Lufthansa envisage d’aider la Suisse à réduire son déficit commercial avec les États-Unis

L’idée de faire transiter les achats de Boeing via Swiss s’inscrit dans une série d’initiatives visant à répondre aux sanctions commerciales américaines tout en consolidant les positions économiques helvétiques dans des groupes internationaux.

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Lufthansa envisage d'aider la Suisse à réduire son déficit commercial avec les États-Unis : Crédit : Canva | Econostrum.info - Suisse

Le déficit commercial de la Suisse avec les États-Unis atteint désormais 40 milliards de francs. L’instauration de droits de douane américains à hauteur de 39 % sur les produits suisses a déclenché une vague de propositions pour rétablir l’équilibre. 

Dans ce contexte, le groupe Lufthansa envisage une solution originale pour soutenir indirectement l’économie helvétique. L’enjeu dépasse largement la seule question douanière, touchant aux relations transatlantiques, à la fiscalité internationale et aux intérêts stratégiques d’une compagnie aérienne.

Une stratégie comptable à fort potentiel d’effet sur le commerce extérieur

Le groupe Lufthansa, propriétaire de la compagnie Swiss, envisage de passer ses futurs achats de Boeing par la Suisse. Cette opération, présentée dans les cercles économiques comme de la « comptabilité créative », pourrait avoir des conséquences notables sur la balance commerciale helvétique. Actuellement, Lufthansa utilise des sociétés de leasing situées dans des juridictions à faible fiscalité telles que l’Irlande ou Malte pour acheter ses avions, qui sont ensuite loués aux différentes entités du groupe. En modifiant ce schéma en faveur d’une acquisition directe par Swiss, le flux financier associé à ces achats massifs serait enregistré dans les comptes suisses.

Lufthansa prévoit d’acquérir environ 100 avions américains au cours des sept prochaines années. La valeur totale de cette commande est estimée à 21 milliards de francs. Si ces acquisitions sont structurées via la Suisse, elles pourraient réduire considérablement le déséquilibre commercial actuel avec les États-Unis. Pour mémoire, ce déficit est un des éléments que l’administration Trump utilise comme justification pour les droits de douane récemment imposés.

L’initiative ne relève pas d’un élan philanthropique. Swiss, bien qu’intégrée au groupe Lufthansa, est une entité autonome sur le plan opérationnel et fiscal. Elle a par ailleurs été la seule compagnie du groupe à enregistrer un bénéfice au premier semestre 2025. Ce résultat confère à la Suisse une position stratégique dans l’organigramme du groupe allemand, ce qui explique l’intérêt de Lufthansa pour des mécanismes qui renforcent la place suisse dans sa structure.

Une réaction politique et économique à une pression américaine croissante

Depuis l’annonce des droits de douane, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) est au centre d’une activité intense. Selon le « Tages-Anzeiger », de nombreux dirigeants d’entreprises suisses ont spontanément proposé des mesures pour alléger les tensions commerciales avec les États-Unis. Le Seco n’a pas officiellement commenté la proposition de Lufthansa, mais cette dernière aurait été soumise directement au Conseil fédéral.

Swiss, pour sa part, a confirmé que son directeur s’est rendu aux États-Unis pour discuter « des conditions-cadres concernant les importations d’avions et des options possibles » impliquant à la fois Lufthansa, Swiss, les États-Unis et les entreprises américaines. Ces déclarations laissent entendre que la piste envisagée n’est pas marginale mais bien intégrée à une réflexion plus large, menée au niveau bilatéral.

Du côté des autorités suisses, la réponse politique à la pression américaine semble encore en cours d’élaboration. Le ministre de la Défense, Martin Pfister, a évoqué une autre piste : celle d’un achat d’armes américaines, ce qui permettrait aussi de rééquilibrer partiellement la balance commerciale. Cette proposition, bien qu’éloignée du domaine de l’aviation civile, illustre la diversité des leviers étudiés à Berne.

L’initiative de Lufthansa, si elle se concrétise, pourrait être perçue par Washington comme un geste d’ouverture. Elle renforcerait en même temps le poids économique de la Suisse dans le groupe Lufthansa, tout en rendant Swiss plus visible sur le plan fiscal et stratégique. Le fait que cette solution était déjà à l’étude avant l’annonce des sanctions américaines montre qu’elle s’inscrit aussi dans une logique de long terme.

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