Alors que les paiements numériques se généralisent, le Conseil fédéral suisse agit pour préserver l’usage de l’argent liquide. Le franc suisse sous forme de billets et de pièces sera désormais protégé par la Constitution fédérale, grâce à un contre-projet adopté par les deux Chambres.
La décision marque une réponse institutionnelle à une inquiétude croissante : celle de voir disparaître progressivement les espèces. L’évolution rapide des usages de paiement en Suisse a suscité une initiative populaire, poussant les autorités à légiférer pour préserver cette forme de transaction traditionnelle.
Une initiative citoyenne en réponse à la disparition du cash
L’initiative « Oui à une monnaie suisse libre et indépendante sous forme de pièces ou de billets » a été déposée en 2023 par le Mouvement suisse pour la liberté. Ce groupe de citoyens, également connu pour s’être opposé aux mesures sanitaires, s’est mobilisé contre ce qu’il perçoit comme une marginalisation de l’argent liquide au profit du numérique. L’initiative visait non seulement à garantir l’existence de l’argent liquide, mais aussi à exiger que tout changement de monnaie soit soumis à un vote populaire.
Face à ce texte, jugé flou par le Conseil fédéral, ce dernier a présenté un contre-projet direct. Celui-ci entend graver dans la Constitution la garantie de l’approvisionnement en numéraire et l’usage du franc comme monnaie nationale. Ce contre-projet a été validé à l’unanimité par le Conseil des États après avoir été approuvé par le National, relate 20 minutes.
Une garantie constitutionnelle mais des formulations contestées
Le contre-projet adopté ne précise pas la forme physique de l’argent liquide, contrairement au texte de l’initiative, ce qui ne satisfait pas les initiants. Ceux-ci estiment que cette imprécision ouvre la voie à une interprétation extensible qui pourrait inclure une forme numérique de la monnaie.
Blick souligne que pour les auteurs de l’initiative, des juristes pourraient faire valoir qu’une monnaie numérique d’État pourrait être assimilée à du « cash », ce qui viderait la protection constitutionnelle de son sens.
Ce désaccord sur la formulation a conduit les initiants à annoncer qu’ils maintiendront leur texte, même si le contre-projet est adopté. En conséquence, les électeurs suisses devront probablement se prononcer simultanément sur les deux textes. Le Conseil des États, tout comme le National, n’a pas recommandé de consigne de vote concernant l’initiative.
Une pratique en recul mais une demande persistante
L’usage de l’argent liquide connaît une baisse continue en Suisse. Selon une enquête de la Banque nationale suisse, seuls 30 % des citoyens utilisent encore le cash pour leurs achats quotidiens, contre plus de 70 % en 2017. Cette tendance est similaire dans les échanges entre particuliers, où le recours aux espèces est tombé à 44 %, contre près de 90 % en 2017.
Malgré cette baisse, l’attachement symbolique et pratique à l’argent liquide reste fort. La ministre des finances Karin Keller-Sutter a rappelé qu’un sondage montre que 95 % des personnes interrogées souhaitent maintenir la possibilité de payer en espèces. Même parmi les jeunes de 15 à 34 ans, une majorité déclare vouloir continuer à pouvoir utiliser les espèces.








