L’équilibre entre générations dans le financement des retraites suscite un débat croissant en Suisse. L’économiste Monika Bütler alerte sur une redistribution des ressources publiques de plus en plus favorable aux retraités, au détriment des jeunes actifs.
À l’heure où le système de prévoyance est confronté à des pressions démographiques et politiques, ces choix redistributifs soulèvent des interrogations. Le débat prend une nouvelle ampleur après l’acceptation de la 13ᵉ rente AVS et d’autres propositions ciblant prioritairement les seniors.
Une redistribution ascendante en faveur des retraités
Monika Bütler, professeure à l’Université de Saint-Gall, critique ce qu’elle considère comme un glissement injuste de la redistribution vers les retraités. Dans un entretien au « Tages-Anzeiger », elle souligne que les actifs sont mis à contribution de manière croissante pour financer des prestations bénéficiant à des seniors déjà bien protégés. Cette tendance s’illustre notamment par l’adoption de la 13ᵉ rente AVS, qui accroît les versements aux retraités sans distinction de revenu, et par d’autres initiatives comme celle du Centre visant à rehausser les rentes AVS des couples mariés. Selon l’économiste, ces décisions augmentent la pression sur les générations plus jeunes, appelées à financer des avantages dont elles ne profiteront peut-être jamais.
Elle note également que la suppression envisagée de la valeur locative, une mesure qui profiterait essentiellement aux propriétaires, concerne en majorité des personnes âgées, accentuant encore le déséquilibre perçu. Si elle reconnaît la nécessité de garantir une sécurité financière aux aînés les plus précaires via les prestations complémentaires (PC), Monika Bütler estime que l’actuelle redistribution bénéficie en réalité davantage aux retraités relativement aisés qu’aux jeunes familles, notamment monoparentales, plus exposées à la précarité.
Une jeunesse défavorisée par le système de formation et de cotisation
Au-delà de la question des rentes, Monika Bütler attire l’attention sur les inégalités structurelles que subissent les jeunes. Elle déplore un système éducatif qui prolonge la période de formation jusqu’à un âge avancé, retardant ainsi l’entrée dans la vie active. En Suisse, les jeunes de 20 à 30 ans sont fréquemment encore en formation, une situation qui limite leur capacité à épargner et à cotiser pour leur propre retraite. À titre de comparaison, elle cite l’Australie, où les parcours professionnels plus courts permettent à des techniciens ou artisans de gagner parfois le double d’un professeur, valorisant ainsi des profils différents du modèle académique dominant en Suisse.
Dans cette logique, elle propose une réforme du calcul des cotisations AVS, suggérant que les années d’études universitaires ne soient plus automatiquement comptabilisées comme années de cotisation. Cette proposition s’appuie sur le constat que les diplômés universitaires, en plus de bénéficier d’une formation largement financée par les fonds publics, cotisent moins longtemps tout en vivant statistiquement plus longtemps que les personnes ayant moins étudié. Enfin, elle plaide pour un relèvement de l’âge de la retraite, avec des adaptations possibles pour les métiers pénibles, afin de rééquilibrer un système qu’elle considère aujourd’hui désavantageux pour les jeunes générations.








