Le vieillissement de la population suisse pourrait bientôt bouleverser le marché immobilier. Le démographe Hendrik Budliger prévient que le départ en retraite de la génération des baby-boomers, propriétaire d’une grande partie des logements, pourrait provoquer un retournement du marché à partir de 2030.
Alors que certaines régions pourraient voir leurs prix chuter, les grandes villes restent relativement protégées par une demande toujours élevée.
Un vieillissement marqué et une baisse de la natalité
En Suisse, la population continue de vieillir, avec un nombre de personnes âgées de plus de 65 ans qui passera de 20 à 25 % d’ici 2055. Selon les prévisions démographiques de l’Office fédéral de la statistique, la population suisse devrait croître jusqu’en 2043, puis diminuer lentement par la suite, rapporte Swissinfo.
Toutefois, cette augmentation démographique ne compense pas l’évolution en cours : une baisse du nombre de familles jeunes. Le taux de natalité, qui a chuté à 1,28 en 2024, contribue à réduire la demande pour des logements familiaux, notamment dans des maisons individuelles.
Le démographe Hendrik Budliger, qui suit l’impact du vieillissement et de la migration sur le marché immobilier, estime que le marché actuel est basé sur des prix « faux », qui ne prennent pas en compte ces changements.
Selon lui, la demande pour ces maisons individuelles pourrait s’effondrer à partir de 2030, car la jeune génération ne sera pas en mesure de combler la demande en raison de la faible natalité. Cela pourrait créer une offre excédentaire de logements et provoquer une correction du marché.
Le vieillissement et l’offre excédentaire de maisons individuelles
Une conséquence immédiate de l’évolution démographique en Suisse pourrait être l’apparition d’un excédent de maisons individuelles sur le marché. La génération des baby-boomers, qui détient une grande part des logements, commencera à vendre ses propriétés à partir de 2030, ce qui pourrait entraîner une augmentation des biens disponibles à la vente.
Cette tendance est particulièrement préoccupante dans les zones moins urbanisées, où les jeunes familles préfèrent de moins en moins s’installer. Selon Hendrik Budliger, cette évolution entraînera une situation où « nous aurons trop de maisons individuelles et trop peu de familles » pour les occuper.
Ces maisons, souvent situées dans des zones rurales, pourraient voir leur demande fortement réduite. En revanche, les grandes villes comme Zurich, Genève ou Bâle devraient être moins affectées par cette dynamique. En effet, la demande dans ces centres reste élevée malgré les préoccupations liées au vieillissement démographique.
Les régions périphériques comme les Grisons, le Tessin ou le canton de Berne, déjà touchées par un exode des jeunes générations, pourraient voir les prix baisser, en raison de la hausse des taux de vacance et de la réduction de la demande. La situation pourrait se dégrader si ces zones, déjà fragiles, sont confrontées à une offre excessive de logements.
Une correction des prix limitée à certaines régions
L’idée d’un « tsunami argenté » sur le marché immobilier, en référence à l’afflux des logements mis en vente par les baby-boomers, est une théorie partagée par certains experts internationaux. Aux États-Unis, ce phénomène est étudié sous le terme de « silver tsunami ».
Cependant, en Suisse, cette dynamique est perçue différemment. Claudio Saputelli, responsable de l’analyse immobilière à UBS, affirme que les effets de cette transition démographique seront principalement ressentis dans les régions rurales et non dans les grands centres urbains.
Il précise que la maison individuelle, bien que de moins en moins recherchée par les jeunes générations, demeure un bien immobilier recherché dans certaines zones plus périphériques, où l’offre est limitée.
Le volume élevé des hypothèques en Suisse, qui s’élève à environ 1,3 trillion de francs, constitue un autre facteur à prendre en compte. Dans un contexte de taux d’intérêt élevés, cette situation pourrait peser sur la capacité des propriétaires à maintenir leurs paiements et entraîner des ajustements de prix.
Selon les experts, une récession persistante pourrait également déclencher une correction du marché, notamment en raison de la baisse de la demande pour des maisons individuelles.
D’autres experts, comme Ursina Kubli, responsable de la recherche immobilière à la Banque cantonale de Zurich, ne prévoient pas de retournement majeur du marché. Selon elle, même si le vieillissement de la population augmentera la proportion de retraités, l’afflux de main-d’œuvre nécessaire pour remplacer cette génération devrait compenser une partie de l’impact démographique. Elle souligne également qu’il existe un grand besoin de densification dans les zones urbaines, ce qui pourrait limiter l’offre excédentaire de maisons individuelles.








