Les grandes entreprises suisses ne sont pas à l’abri des bouleversements politiques internationaux. Ces derniers mois, plusieurs acteurs majeurs de l’économie suisse, comme UBS, Roche et Novartis, ont réduit ou même supprimé leurs initiatives en matière de diversité. Ce changement est lié à l’alignement de ces entreprises avec les exigences des États-Unis, un marché clé pour leurs activités. Par exemple, UBS, dans son rapport annuel 2023, faisait encore référence à son programme « Diversité, égalité et inclusion », mentionné une vingtaine de fois.
Toutefois, dans la version 2024 de ce même rapport, ces éléments ont disparu sans explication détaillée. Un phénomène similaire se produit chez Roche et Novartis, qui ont discrètement diminué la visibilité de leurs initiatives de diversité, notamment sur leurs sites internet et dans leurs communications publiques, comme l’indique la RTS dans son analyse.
Les pressions sont d’autant plus fortes que ces entreprises réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires aux États-Unis. L’année dernière, plus de la moitié des produits pharmaceutiques du groupe Roche étaient vendus sur ce marché, tandis qu’UBS tirait environ 35 % de son chiffre d’affaires des États-Unis, comme le rapporte la radio-télévision suisse.
Une mise en conformité aux nouvelles législations américaines
Les raisons de cette évolution sont claires. En effet, ces entreprises doivent désormais se conformer aux nouvelles règles imposées par la Maison Blanche, qui incitent les sociétés à réduire la visibilité des programmes de diversité et d’inclusion. Ces nouvelles directives ont conduit des géants comme Roche, UBS et Novartis à revoir leur communication et leurs pratiques, en particulier sur le marché américain.
En septembre 2023, la version américaine du site de Novartis mettait encore en avant une image de soutien à une femme transgenre, qui avait été accompagnée par l’entreprise dans son processus de « coming-out ». Cette image a depuis disparu, comme l’ont noté les journalistes de RTS, et la version actuelle du site montre moins de personnes issues de minorités. Ces changements ont été confirmés par l’équipe de la source dans leur reportage.
Ces ajustements, selon les entreprises concernées, sont le fruit d’une simple mise en conformité avec les exigences légales américaines. Roche a ainsi expliqué qu’ils avaient adapté leurs méthodes de travail pour se conformer aux législations et réglementations en vigueur, tandis qu’UBS a évoqué une approche similaire, visant à répondre aux nouvelles attentes du gouvernement américain, comme précisé dans l’enquête.
Une remise en question des engagements pour la diversité
Ce recul de l’engagement en faveur de la diversité est perçu par de nombreux experts comme une régression préoccupante. Eglantine Jamet, spécialiste des questions de genre et de diversité, dénonce cette décision, soulignant qu’il est « sidérant de voir à quel point ce sujet, qui a mis du temps à être audible et considéré comme un sujet important, peut être balayé d’un revers de la main ». Elle ajoute que ce retournement montre que la diversité reste un sujet fragile, facilement compromis lorsque des intérêts économiques entrent en jeu.
Pour Emmanuelle Werner Gillioz, directrice de l’association Yojoa, la question reste ouverte : « Il existe une marge de manœuvre entre les effets d’annonce, la communication externe et les pratiques à l’interne », explique-t-elle. Elle espère que les politiques de diversité pourront subsister, malgré ces changements, et que les entreprises continueront à lutter contre les discriminations, encore présentes dans de nombreux secteurs, aussi bien en Suisse qu’aux États-Unis, comme elle l’a précisé dans une interview pour la RTS.
