Depuis des années, la question des salaires dans les secteurs de la santé et du social est au cœur des débats à Genève. Dès le début des années 2010, le Conseil d’État lançait SCORE, un projet de refonte de la grille salariale, abandonné par la suite. Son successeur, G’Evolue, vise à poursuivre le travail, mais les professionnels concernés jugent ce processus trop lent.
En parallèle, la population genevoise s’est déjà exprimée sur la question des rémunérations dans le secteur des soins. En novembre 2021, 64,35 % des votants ont soutenu l’initiative « Pour des soins infirmiers forts », témoignant d’une volonté collective d’améliorer la reconnaissance et les conditions des soignants. Malgré cet engagement démocratique, les avancées concrètes se font attendre.
Une inégalité de traitement dénoncée par les syndicats
Le principal point de friction réside dans la revalorisation salariale accordée aux travailleurs sociaux de l’Hospice général, qui ont vu leur classification passer de 15 à 16. Cette décision repose sur un critère unique, à savoir leur diplôme HES. Or, cette même formation est obligatoire pour les infirmiers, éducateurs, sages-femmes ou diététiciens, qui n’ont pourtant pas bénéficié du même reclassement.
Selon 20 Minutes, les syndicats dénoncent une incohérence dans le traitement des employés du secteur public et un manque d’équité. « Nous exigeons une revalorisation immédiate », martelaient-ils lors d’une récente mobilisation. Mais le Conseil d’État refuse de statuer globalement sur la question. Dans un courrier du 22 janvier, signé par Thierry Apothéloz, chef du Département de la cohésion sociale, l’exécutif genevois indique que chaque demande doit être formulée par les départements de tutelle auprès de l’Office du personnel de l’État.
Pour les syndicats, il s’agit d’un jeu bureaucratique destiné à gagner du temps. Joël Varone, secrétaire syndical au SSP, dénonce un ping-pong administratif, où chaque instance renvoie la responsabilité à une autre : « On gagnera, mais pas avant 2028, vu la longueur des procédures ».
Des métiers sous pression et une crise du recrutement
Si la revendication porte sur une question de justice salariale, elle s’inscrit également dans un contexte de pénurie de personnel. Les professionnels du secteur estiment que leur rémunération est inférieure aux responsabilités qu’ils assument. Une éducatrice de l’Office médico-pédagogique souligne que les taux d’encadrement sont insuffisants, et une sage-femme témoigne : « Nous prenons des décisions cruciales. Nos salaires sont loin d’être à la hauteur de nos responsabilités ».
La difficulté à recruter est une préoccupation majeure. Avec le vieillissement de la population et la complexité croissante des soins, la demande de personnel qualifié ne cesse d’augmenter. Pourtant, les conditions salariales actuelles freinent l’attractivité de ces professions. « L’un des facteurs d’attractivité, c’est le salaire », constate Sandra Froidevaux, secrétaire syndicale au SIT.
Une mobilisation pour faire bouger les lignes
Face à l’absence de réponse claire des autorités, les professionnels de la santé et du social ont décidé de manifester ce jeudi. Ils dénoncent une politique de l’inaction, qui risque d’aggraver la pénurie de personnel et d’impacter la qualité des soins et de l’accompagnement social.
Mais les moyens d’action sont limités. Contrairement à d’autres secteurs, une grève totale mettrait en péril les personnes prises en charge. « On ne peut pas dire, comme à l’aéroport : on fait grève, les gens n’ont qu’à se débrouiller », explique une sage-femme.
Sollicité sur ces revendications, le Département de la cohésion sociale rappelle que les établissements publics autonomes peuvent proposer des réévaluations salariales, qui seront ensuite examinées par l’Office du personnel de l’État. Thierry Apothéloz reconnaît l’importance du travail des assistants sociaux, notamment pour l’insertion professionnelle des personnes suivies, et assure qu’il encouragera l’Office du personnel à étudier les demandes de revalorisation.
Pour les syndicats et les professionnels concernés, ces promesses restent insuffisantes. Ils comptent maintenir la pression sur les autorités afin d’obtenir une réponse concrète et rapide à leurs revendications.