Le gel des subventions américaines à plusieurs agences onusiennes a placé Genève internationale face à une situation préoccupante. Cette décision, annoncée début mars 2025, affecte directement les activités de nombreuses organisations internationales basées dans la cité lémanique.
En raison de son statut de pôle diplomatique majeur, Genève dépend en partie de la stabilité du financement alloué par les grandes puissances. L’annonce américaine remet en question l’équilibre financier de plusieurs institutions clés et soulève des interrogations sur l’avenir de la diplomatie multilatérale.
Une décision unilatérale aux conséquences immédiates
La décision des États-Unis de suspendre temporairement leurs subventions à certaines agences des Nations unies a été prise dans un contexte politique intérieur tendu à Washington. Cette mesure touche spécifiquement six agences onusiennes installées à Genève, dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et l’Organisation internationale du travail (OIT). La somme totale gelée est estimée à plusieurs centaines de millions de dollars, bien que le chiffre exact ne soit pas communiqué par les autorités américaines.
Le porte-parole du Département d’État américain, interrogé sur RTS, a justifié ce gel par un besoin de « réévaluation stratégique de l’impact de ces contributions ». La mesure aurait été motivée par des désaccords politiques persistants, notamment autour de certaines résolutions portées par des agences genevoises. Cette suspension affecte en premier lieu le fonctionnement opérationnel des agences concernées : plusieurs projets en cours sont gelés, des campagnes sont reportées et certains recrutements interrompus.
La directrice du bureau genevois de l’OMS, María Neira, a indiqué que cette situation obligeait l’agence à réajuster ses priorités. « Il nous faut choisir entre maintenir des missions de terrain vitales et poursuivre certaines recherches », a-t-elle déclaré. Pour le HCDH, les conséquences sont similaires. Volker Türk, Haut-Commissaire, a évoqué des « décisions douloureuses » concernant les opérations dans certaines zones de conflit. Ces ajustements ont une incidence directe sur la réactivité des agences en cas de crise humanitaire ou sanitaire.
Genève internationale fragilisée dans son rôle de centre diplomatique
Genève accueille plus de 180 organisations internationales, ce qui en fait l’un des pôles diplomatiques les plus actifs au monde. Le gel des financements américains crée une onde de choc dans cet écosystème multilatéral, dont l’équilibre financier repose sur un nombre restreint de contributeurs majeurs. Les États-Unis sont historiquement l’un des premiers donateurs du système onusien, représentant à eux seuls 22 % du budget régulier de l’ONU. Leur retrait partiel compromet ainsi la stabilité de l’ensemble de l’architecture internationale basée à Genève.
Le conseiller d’État genevois Mauro Poggia, chargé du Département de la sécurité, a exprimé une inquiétude claire : « Genève pourrait perdre une partie de son attractivité si les agences internationales réduisent leurs activités. » L’impact économique est également non négligeable. Selon une étude de la Fondation pour Genève, les activités des organisations internationales génèrent plus de 5 milliards de francs suisses par an en retombées économiques locales, en particulier dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce de services.
Ce gel soulève en outre des interrogations géopolitiques. Plusieurs observateurs s’interrogent sur la pérennité du multilatéralisme tel qu’il est incarné à Genève. La France et l’Allemagne ont déjà exprimé leur désaccord avec la décision américaine, réaffirmant leur soutien aux agences concernées. À l’échelle locale, les autorités genevoises cherchent des solutions de financement relais avec le concours de partenaires privés ou d’autres États membres. Mais l’ampleur des montants manquants rend l’exercice délicat.