Le 18 juin 2023, Genève est devenue le premier canton suisse à reconnaître un droit à une alimentation adéquate dans sa Constitution. Cette avancée a été motivée par l’aggravation de la précarité, notamment observée pendant la crise du Covid-19, où des milliers de personnes ont dû faire la queue durant des heures pour obtenir des paniers alimentaires.
Depuis, les discussions se poursuivent au niveau cantonal pour traduire ce droit en une loi concrète. Un comité de pilotage a été mis en place pour inventorier les dispositifs existants et formuler des recommandations. Un avant-projet de loi est actuellement en rédaction et devrait être soumis à consultation au second semestre 2025, avant d’être examiné par le Conseil d’État et le Grand Conseil.
Une initiative municipale pour répondre à l’urgence
Pendant que le canton planche sur son projet, la Ville de Genève a choisi d’agir plus rapidement en soutenant une motion municipale en faveur de la création d’une caisse alimentaire. Selon Tribune de Genève, ce texte, porté par Omar Azzabi (Les Verts) et soutenu par la majorité de gauche du Conseil municipal, vise à mettre en place un système de cotisations solidaires où chaque participant verse un montant librement déterminé en fonction de ses moyens. En retour, les cotisants reçoivent une allocation alimentaire mensuelle, utilisable dans des commerces locaux qui s’approvisionnent exclusivement auprès d’agriculteurs à des prix dits « justes ».
Ce projet municipal s’inscrit dans la continuité d’une expérimentation locale menée en 2024 par un collectif de six organisations. Deux comités citoyens de l’alimentation ont vu le jour dans les quartiers des Pâquis et de Meyrin, rassemblant 20 habitants chacun. Le projet bénéficie déjà d’un soutien financier : la commune de Meyrin a investi 100 000 francs suisses, tandis que la Ville de Genève a débloqué 80 000 francs pour 2025. L’objectif est de lancer officiellement la « caisse genevoise de l’alimentation » en septembre 2025, avec au moins 200 membres.
Un projet qui divise le Conseil municipal
Si l’initiative a été validée par le Conseil municipal, elle ne fait pas l’unanimité. Patricia Richard (PLR) reconnaît l’importance du sujet, mais plaide pour une attente du projet de loi cantonal afin d’éviter les doublons. Une prudence également exprimée en commission par Christina Kitsos, conseillère administrative chargée de la Cohésion sociale, qui soutient néanmoins la motion. Des critiques plus vives sont venues de Daniel Sormanni (MCG), qui accuse la Ville de vouloir « remplacer le canton » et compare l’initiative à une grenouille cherchant à devenir aussi grosse qu’un bœuf.
En réponse, Omar Azzabi insiste sur l’urgence de la situation : « Les gens n’en peuvent plus de l’inflation, et les comités citoyens sont prêts ». De son côté, le magistrat Alfonso Gomez rappelle que le canton travaille sur une assurance sociale de l’alimentation, tandis que la caisse alimentaire municipale repose sur un modèle participatif, les deux approches étant complémentaires.
Malgré ces débats, le Département cantonal de la Cohésion sociale n’a pas été auditionné par le Conseil municipal, mais soutient les expérimentations locales. L’avenir de la caisse alimentaire genevoise dépendra donc de sa mise en place effective et de sa capacité à répondre aux besoins des populations les plus précaires.