L’hiver 2024-2025 a été marqué par une forte consommation de gaz en Europe. Entre des températures plus basses que les années précédentes et une production d’électricité renouvelable en recul, la demande de gaz a bondi. Dans le même temps, la fin du transit de gaz russe via l’Ukraine a réduit les importations, forçant les pays européens à puiser massivement dans leurs réserves.
Avec des stocks largement entamés à l’approche de l’été, la reconstitution des réserves devient un enjeu majeur. L’Union européenne impose un objectif de remplissage de 90 % avant le 1er novembre, ce qui nécessitera des importations accrues de gaz naturel liquéfié (GNL). Mais ce marché est déjà sous tension, et les prix élevés risquent de pénaliser encore davantage les consommateurs et l’industrie.
Une consommation record et des stocks au plus bas
Les réserves de gaz européennes sont aujourd’hui à un niveau critique. D’après la Commission européenne, elles ne couvrent plus que 30 % de la consommation hivernale du continent. En France, la situation est encore plus préoccupante, avec des stocks tombés à seulement 21 %. Cette dégradation rapide met en avant la faiblesse des réserves en cette fin d’hiver, souligne Blick.
L’hiver dernier, plusieurs facteurs ont contribué à cette baisse rapide des stocks. Tout d’abord, la consommation de gaz a fortement augmenté en raison des températures plus froides que les années précédentes. Ensuite, la production d’électricité issue des énergies renouvelables a été insuffisante pour répondre à la demande. Entre début et mi-novembre 2024, la production solaire et éolienne a fortement chuté, notamment en France et en Allemagne. Pour pallier ce déficit, les centrales à gaz ont été fortement sollicitées, ce qui a conduit à une augmentation de 80 % de la consommation de gaz par rapport à l’année précédente.
Face à cette situation, les opérateurs énergétiques ont privilégié l’utilisation des réserves plutôt que l’achat sur les marchés internationaux, où les tarifs étaient en hausse depuis la fin de l’année 2024. D’après le média suisse, cette décision a permis d’éviter une flambée immédiate des prix, mais elle a fragilisé la sécurité énergétique de l’Europe à l’approche de l’été.
Un approvisionnement incertain après l’arrêt du transit russe
L’Europe doit désormais composer avec une offre plus limitée. Depuis fin 2024, le transit du gaz russe via l’Ukraine a été totalement interrompu, supprimant une des dernières voies d’approvisionnement du continent. Si ce flux ne représentait plus que 5 % de la consommation européenne, son absence a contribué à accroître les tensions sur le marché.
Pour combler ce manque, l’Union européenne a massivement recours au GNL, principalement en provenance des États-Unis et du Qatar. D’après les données du think tank IEEFA, cette source d’approvisionnement a couvert 34 % des besoins européens en gaz en 2024. Toutefois, ce gaz liquéfié est non seulement plus onéreux que celui transporté par gazoduc, mais il est aussi fortement convoité sur le marché mondial, en particulier par l’Asie.
La politique énergétique américaine pourrait également compliquer la situation. En effet, un durcissement des exportations de GNL des États-Unis vers l’Europe, au profit du marché national, pourrait aggraver encore plus la crise d’approvisionnement.
Par ailleurs, les obligations de stockage imposées par l’Union européenne, qui fixent un objectif de remplissage des réserves à 90 % avant le 1er novembre, suscitent des inquiétudes. Certains États membres redoutent que ces exigences ne provoquent une envolée des prix en incitant à des achats massifs dans un contexte de forte demande.
Une industrie fragilisée par la hausse des prix
La situation tendue du marché du gaz se reflète dans les prix, qui repartent à la hausse. En 2024, le mégawattheure (MWh) de gaz coûtait en moyenne 34 euros sur les marchés de gros. En 2025, son prix devrait atteindre 45 euros, soit près du double des niveaux d’avant la crise énergétique. La même source souligne que cette inflation pèse directement sur l’industrie européenne, qui doit déjà faire face à des coûts énergétiques bien plus élevés que ses concurrentes chinoises et américaines.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les prix du gaz pour les entreprises européennes sont en moyenne 30 % plus élevés qu’en Chine et cinq fois plus élevés qu’aux États-Unis. Cette situation fragilise la compétitivité des industries du continent, qui peinent à absorber ces hausses tarifaires.
L’enjeu des prochains mois sera donc de reconstituer les stocks tout en maîtrisant les coûts. La production mondiale de GNL devrait progresser de 5 % en 2025, après une augmentation de seulement 1,5 % en 2024. Toutefois, l’AIE prévient que cette hausse ne suffira pas à compenser totalement l’arrêt du transit russe. L’agence recommande ainsi de renforcer les mesures de sobriété énergétique, de diversifier les sources d’approvisionnement et d’améliorer la flexibilité des réseaux électriques.