Le 10 octobre 2024, le groupe politique La France Insoumise (LFI) a proposé à l’Assemblée nationale un projet de loi intitulé « impôt universel ciblé ». Ce texte suggère que les Français résidant dans des pays où la fiscalité est moins élevée que celle de la France soient imposés en fonction de leur nationalité, et non plus de leur résidence.
Ainsi, les Français ayant vécu en France pendant au moins trois ans au cours des dix dernières années, et résidant désormais dans un pays dont la fiscalité est inférieure de plus de 50 % à celle de la France, seraient soumis à cette imposition, explique Swissinfo.
Cette idée, qui a été soutenue par une partie de l’opposition, mais rejetée en commission, fait craindre une nouvelle taxe pour les Français vivant à l’étranger, particulièrement pour ceux installés en Suisse. Bien que la proposition n’ait pas été adoptée par le Parlement français, l’instabilité politique actuelle et l’absence de majorité absolue dans l’Assemblée nationale alimentent les doutes parmi les expatriés français, en particulier les Franco-Suisses.
Les Franco-Suisses, une population ciblée par l’impôt ?
Les Franco-Suisses sont environ 200 000 à vivre en Suisse, dont environ la moitié détient également la nationalité suisse. Selon Yann Beaufils, président de la section romande de l’Union des Français de l’étranger, cette proposition d’impôt sur la nationalité cible en grande partie les Français de Suisse.
Il souligne que, contrairement à la perception commune, la situation financière des Franco-Suisses n’est pas nécessairement privilégiée, car le coût de la vie en Suisse est bien plus élevé qu’en France. Cette perception erronée de la richesse des expatriés français en Suisse alimente la crainte d’une imposition injuste, alors que les Franco-Suisses ne bénéficient d’aucun service social ou protection de la part de la France.
Certains Franco-Suisses, en réponse à ce risque, envisagent même de renoncer à leur nationalité française pour éviter d’être soumis à une taxation sur celle-ci. Cette démarche, bien que rare, est réalisée chaque année par quelques expatriés. Elle permet de se défaire des liens fiscaux avec la France, mais elle reste une procédure complexe et difficile à entreprendre.
Dans certains cas, comme celui de Tidjane Thiam, ancien patron de Credit Suisse, la renonciation à la nationalité française est motivée par des raisons autres que fiscales, comme la possibilité de briguer la présidence de la Côte d’Ivoire, ce qui est impossible pour une personne binational.
La mise en œuvre de l’impôt sur la nationalité : un défi logistique et politique
L’idée d’un impôt basé sur la nationalité n’est pas nouvelle en France. Des candidats d’extrême gauche ou d’extrême droite l’ont régulièrement avancée lors des élections présidentielles. En 2012, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait lui aussi proposé une taxe visant spécifiquement les « exilés fiscaux », ceux qui quittent la France pour s’installer dans des pays à la fiscalité plus clémente.
Mais malgré l’adoption en commission des Finances du projet de LFI, la proposition a été rejetée lors de la séance plénière, notamment en raison de l’absence de majorité stable au Parlement.
L’amendement de LFI a donc été suspendu, mais il n’est pas pour autant enterré. Si un tel impôt venait à être instauré, la France devrait renégocier ses conventions fiscales avec de nombreux pays, dont la Suisse, rendant son application encore plus complexe. En effet, des pays comme les États-Unis et l’Érythrée pratiquent déjà une imposition basée sur la nationalité, mais la France pourrait rencontrer de nombreux obstacles si elle décidait de suivre ce modèle.
Les autorités suisses, pour leur part, ne se sentent pas totalement à l’abri d’une telle mesure. Certaines voix s’élèvent pour rappeler que la France pourrait aussi envisager d’imposer les Suisses résidant en France, bien que cette hypothèse semble plus lointaine.
Françoise Millet-Leroux, présidente de l’Union des associations suisses de France, rappelle que les Suisses de France contribuent déjà largement au financement public en France, et toute mesure supplémentaire d’imposition serait perçue comme injuste.