Le récent tremblement boursier a fortement fait chuter les cours des actions et autres actifs financiers, mais il a également considérablement renforcé le franc suisse. Cependant, cette évolution cache un phénomène plus complexe et multifactoriel.
La devise helvétique s’est en effet révélée être l’un des rares bénéficiaires de ce chaos sur les marchés financiers mondiaux. Le franc suisse a ainsi atteint ses plus hauts niveaux depuis le début de l’année. Actuellement, un dollar ne vaut plus que 85 centimes, tandis qu’un euro ne s’échange plus que contre 93 centimes, soit une baisse respective de 4 % et 5 % par rapport au mois précédent.
Les « carry trades » : l’explication derrière la récente force du franc suisse
Daniel Kalt, responsable des placements chez UBS, prévoit un dollar à 81 centimes l’été prochain. Selon lui, le marché boursier a peut-être réagi de manière excessive récemment, rendant un mouvement inverse envisageable à court terme. Cependant, à moyen terme, Kalt s’attend à ce que le dollar continue de perdre de la valeur par rapport au franc suisse.
De son côté, l’économiste Klaus Wellershoff envisage également un scénario similaire pour l’euro. Selon lui, le franc est généralement plus fort que son taux de change équitable. « Nous pourrons même voir l’euro chuter à moyen terme en dessous de 90 centimes » explique-t-il. L’une des raisons de la récente vigueur du franc suisse serait les opérations de portage « carry trades », qui auraient joué un rôle important dans la récente secousse des marchés boursiers.
Plusieurs investisseurs ont choisi de s’endetter au Japon, où les taux d’intérêt sont particulièrement bas, afin d’acquérir des actions d’entreprises technologiques en pleine expansion, voire même de l’or. Cependant, ce phénomène ne se limite pas au Japon, comme l’explique Klaus Wellershoff : « La Suisse fait également partie des pays où les taux d’intérêt sont relativement faibles ». En effet, lorsque les cours des actions ont subi des pressions à la baisse, ces investisseurs ont dû se résoudre à vendre leurs titres technologiques pour rembourser leurs emprunts en yens ou, dans le cas de la Suisse, en francs suisses.
Vers une baisse des taux d’intérêt ?
La forte demande pour le franc suisse a entraîné une appréciation rapide de la monnaie helvétique, ce qui inquiète l’industrie exportatrice suisse. Pourtant, Daniel Kalt assure que l’industrie peut très bien s’accommoder de fluctuations monétaires de l’ordre de 4 à 5 %, ce qui a déjà été le cas au début de l’année.
D’un autre côté, le franc suisse constitue un atout dans la lutte de la Banque nationale suisse contre l’inflation. Cela pourrait donc laisser présager une nouvelle baisse des taux d’intérêt en septembre, comme l’affirme l’économiste Klaus Wellershoff. Ce dernier met toutefois en garde : la BNS ne devrait pas agir avec trop de précipitation, car l’évolution de l’économie américaine reste encore incertaine. En effet, si la conjoncture devait se dégrader outre-Atlantique, il serait judicieux que la Suisse conserve encore la possibilité de baisser ses taux pour réagir.