Alors que les Suisses sont en minorité dans les comités exécutifs, la diversité internationale devient la norme au sein des grandes sociétés du pays.
Une tendance qui se confirme avec la nomination de Laurent Freixe à la tête de Nestlé, succédant à l’Allemand Mark Schneider. Cette situation soulève des questions quant à la rareté des talents locaux, la concurrence mondiale et l’évolution des pratiques managériales.
Les Suisses minoritaires dans les grandes entreprises
Les Helvètes ne représentent plus qu’une minorité dans les comités de direction des grandes entreprises suisses. Selon une évaluation de Guido Schilling, 73 % des dirigeants des sociétés du Swiss Market Index (SMI) sont d’origine étrangère en 2024. Si cette proportion est plus modeste dans les 100 plus grandes entreprises (40 %), la tendance reste significative.
Dans des groupes emblématiques comme Nestlé, qui compte 16 membres au comité exécutif, aucun Suisse n’occupe de poste clé. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs, notamment le manque de candidats locaux ayant une expérience à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, les conseils de direction des grandes entreprises suisses comptent 47 nationalités, contre 33 en 2015. Cette diversité internationale permet aux entreprises de bénéficier d’une expertise plus large et adaptée à un marché global.
Un manque de talents locaux ?
Le faible nombre de dirigeants suisses dans ces entreprises s’explique en partie par un manque de talents locaux ayant l’envergure requise. Guido Schilling souligne que le nombre limité d’entreprises de premier plan en Suisse restreint le vivier de candidats qualifiés. Des groupes comme Lindt & Sprüngli ou Aryzta ne peuvent pas toujours fournir des profils ayant une expérience équivalente à celle demandée par des géants tels que Nestlé.
De plus, les longues carrières au sein d’une même entreprise, autrefois courantes, se font rares. Laurent Freixe, le nouveau CEO de Nestlé, est une exception, puisqu’il a passé près de 40 ans au sein du groupe et y a occupé divers postes de direction. Aujourd’hui, ce type de trajectoire professionnelle tend à disparaître. Les entreprises, notamment dans les secteurs industriels et bancaires, misent moins sur la mobilité internationale de leurs cadres, privilégiant des carrières plus locales pour des raisons économiques.
Une diversité qui touche aussi les femmes
Si la proportion de femmes dans les directions reste faible, celles qui accèdent à des postes de pouvoir sont, pour la plupart, étrangères. En effet, 60 % des femmes dirigeantes dans les entreprises du SMI et les 100 plus grandes entreprises du pays sont issues de l’étranger. Par ailleurs, leur durée de présence dans les comités de direction est plus courte que celle de leurs homologues masculins ; en moyenne, les femmes occupent ces fonctions pendant trois ans, contre sept ans pour les hommes.
Les dirigeants étrangers proviennent principalement d’Allemagne, mais les États-Unis et la France sont également bien représentés. Cette présence américaine peut sembler surprenante compte tenu des obstacles bureaucratiques pour les non-Européens. Cependant, les entreprises suisses sont souvent gérées selon un modèle anglo-saxon, ce qui attire des talents issus de pays anglophones.
L’anglais, une autre barrière dans les entreprises suisses
Avec cette internationalisation croissante des directions, l’anglais s’impose progressivement comme la langue de référence au sein des grandes entreprises suisses. Que ce soit à Zurich, Vevey ou Bâle, de nombreuses entreprises, telles que Roche ou ABB, publient désormais leurs résultats financiers en anglais et allemand, parfois même en suédois pour certaines. Les appels aux investisseurs sont également majoritairement en anglais.
Cette situation entraîne une complexité linguistique et sociale, d’autant que tous les collaborateurs ne maîtrisent pas l’anglais de manière fluide. Cela crée parfois des barrières de communication, malgré les efforts des dirigeants pour maintenir une certaine proximité avec leurs équipes locales.