Entre les droits de douane punitifs et les visas américains à 100 000 dollars, les entreprises suisses se trouvent dans l’impasse

Les entreprises suisses se trouvent confrontées à une réalité économique de plus en plus complexe avec la hausse des coûts des visas pour les États-Unis.

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Entre les droits de douane punitifs et les visas américains à 100 000 dollars, les entreprises suisses se trouvent dans l'impasse : Crédit : Canva | Econostrum.info - Suisse

Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les entreprises étrangères, dont de nombreuses sociétés suisses, font face à un coût grandissant pour développer leurs activités aux États-Unis. La flambée des taxes douanières a poussé de nombreuses firmes à renforcer leur présence sur le marché américain, mais une nouvelle barrière s’est érigée : l’augmentation des coûts des visas de travail. 

Cette politique, particulièrement affectant les demandes pour les visas H-1B, a un impact direct sur les stratégies d’internationalisation des entreprises. Si certains secteurs bénéficient encore d’opportunités, les frais accrus pèsent lourdement sur les choix des entreprises et leur compétitivité.

La hausse vertigineuse des coûts des visas : une entrave pour les entreprises suisses

La mesure la plus marquante est l’augmentation spectaculaire des tarifs des permis de travail H-1B, passés de 10 000 à 100 000 dollars par an, soit une multiplication par dix. Cette décision, émise par l’administration Trump et soutenue par son secrétaire au commerce Howard Lutnick, a provoqué un véritable bouleversement pour les entreprises étrangères qui envoient des employés qualifiés aux États-Unis. Selon Lutnick, cette politique concerne toutes les grandes entreprises, y compris celles issues de pays comme la Suisse. « C’est notre politique : 100 000 dollars pour le H-1B, et toutes les grandes entreprises sont impliquées », a-t-il affirmé.

Le groupe suisse Kudelski SA, acteur majeur dans le secteur de la sécurité numérique, en est un exemple concret. Son directeur général, André Kudelski, remarque que, bien que l’expansion aux États-Unis soit une nécessité stratégique face à la hausse des tarifs douaniers, les barrières administratives, comme la hausse des coûts des visas, rendent cette démarche de plus en plus complexe et onéreuse. « Les entreprises sont quelque part obligées de renforcer leur présence aux États-Unis, notamment à cause des tarifs », déclare Kudelski, soulignant que ces frais supplémentaires pèsent sur la rentabilité des projets, relate la RTS. Les entreprises suisses, malgré une présence encore modeste sur le sol américain, doivent désormais envisager des coûts bien plus élevés pour faire venir leurs talents en provenance de Suisse ou d’Europe.

Bien que les Suisses soient en minorité parmi les bénéficiaires du visa H-1B (seulement 158 demandes, selon les services d’immigration), cette augmentation des coûts affecte gravement les sociétés ayant une forte dépendance aux expatriés. Kudelski, par exemple, a installé une structure américaine en 2016, en transférant une partie de son personnel européen vers les États-Unis. Si cette démarche avait été réalisée aujourd’hui, elle aurait été non seulement plus coûteuse, mais également beaucoup plus complexe, tant en termes de démarches administratives que de gestion des coûts de visa. Le coût de la main-d’œuvre et de l’immigration est désormais un facteur déterminant dans la prise de décision des entreprises.

Les alternatives limitées face à un système de visas de plus en plus complexe

Pour les entreprises suisses cherchant à compenser cette augmentation des frais de visa, plusieurs alternatives existent, mais elles demeurent souvent longues et complexes. Nathalie Scott, avocate spécialisée en droit de l’immigration aux États-Unis, souligne trois options majeures pour les travailleurs étrangers : le visa intra-entreprise, le visa de résidence permanent (carte verte) et le visa pour personnes à « capacité extraordinaire ». Toutefois, ces options, bien que possibles, sont longues et bureaucratiques, demandant de nombreux mois de préparation et d’approbation. Le processus peut durer entre sept et douze mois pour obtenir un visa H-1B pour un travailleur de nationalité suisse, ce qui est un délai relativement long pour une entreprise cherchant à réagir rapidement à ses besoins.

Le visa intra-entreprise, bien qu’il permette des transferts de personnel plus rapides, reste également coûteux et nécessite des justificatifs détaillés concernant la filiation des entreprises et les rôles spécifiques des expatriés. Quant à la carte verte, elle permet de rester aux États-Unis de manière permanente, mais elle est soumise à un processus de sélection très strict et prend des années à être validée. Le visa pour personnes à « capacité extraordinaire », destiné aux talents exceptionnels, reste également une solution rare et difficile à obtenir pour les professionnels moins connus ou ne répondant pas aux critères stricts de ce type de visa.

Face à ces alternatives, les entreprises suisses doivent non seulement ajuster leurs prévisions de coûts, mais aussi se tourner vers des solutions plus flexibles comme le télétravail ou la gestion à distance. Ces pratiques, bien que pouvant pallier certaines difficultés, ne permettent pas toujours une intégration locale efficace et peuvent nuire à la qualité de la gestion des projets à long terme. L’option du télétravail, notamment, ne peut remplacer la présence physique sur le terrain, souvent indispensable dans des secteurs comme la cybersécurité, où l’interaction directe avec les clients et les équipes locales est cruciale.

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