Lundi, Donald Trump a annoncé l’application de nouveaux droits de douane sur les importations agricoles à compter du 2 avril. Il a simultanément invité les agriculteurs américains à « produire beaucoup plus de produits agricoles pour les vendre à l’intérieur » du pays, via un message publié sur Truth Social. Cette mesure s’inscrit dans une logique protectionniste plus large, qui cible également l’acier, l’aluminium et d’autres secteurs stratégiques, rapporte Watson.
Au-delà des enjeux économiques, l’administration Trump justifie ces taxes comme un levier politique pour contraindre le Canada, le Mexique et la Chine à renforcer leur lutte contre le trafic de fentanyl. En février, les États-Unis avaient imposé des droits de douane de 25 % sur tous les produits en provenance du Canada et du Mexique, malgré l’accord de libre-échange en vigueur.
Face aux premiers engagements pris par Ottawa et Mexico, notamment l’envoi de 10 000 soldats supplémentaires à la frontière par le Mexique et la création d’une unité spécialisée au Canada, Washington avait suspendu ces mesures pour un mois. Cette trêve arrive maintenant à son terme, et la menace d’un nouvel assaut tarifaire se précise.
Un premier électrochoc pour l’économie américaine
Les entreprises américaines ressentent déjà les effets de cette politique commerciale. Selon l’indice ISM publié lundi, l’activité manufacturière a ralenti en février, passant de 50,9 % en janvier à 50,3 %. Bien que toujours en croissance, cette tendance inquiète les observateurs.
Watson cite Timothy Fiore, responsable de l’enquête ISM, qui rapporte que « la demande a diminué, la production s’est stabilisée et la réduction des effectifs s’est poursuivie alors que les entreprises sondées subissent le premier choc opérationnel de la politique en matière de droits de douane ».
Plusieurs secteurs signalent des hausses de prix et des perturbations logistiques. Dans les transports, un acteur du secteur confie à l’AFP que « les consommateurs suspendent leurs projets d’achats en raison de l’incertitude liée aux droits de douane ».
Dans l’agroalimentaire et le tabac, une entreprise observe également un changement de comportement des clients : « Nous constatons que les prix ont un impact sur les volumes, avec des consommateurs qui achètent moins et cherchent des alternatives ». L’indice des prix a bondi de 7,5 points, enregistrant sa plus forte hausse depuis mi-2022, précise le média.
Le Canada et le Mexique prêts à riposter
Face à cette escalade protectionniste, le Canada et le Mexique préviennent qu’ils ne resteront pas passifs. Justin Trudeau a déclaré que son gouvernement réagirait avec « une réponse forte, sans équivoque et proportionnée » si ces taxes venaient à être confirmées. De son côté, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a affirmé que « quelle que soit la décision, nous avons un plan. Nous avons un plan A, un plan B, un plan C et un plan D ».
Howard Lutnick, secrétaire au Commerce, a justifié ces taxes comme un moyen de pression. « Si le Canada et le Mexique agissent, il n’y aura pas de droits de douane », a-t-il assuré lors d’une audition devant le Sénat fin janvier. Pour Ryan Majerus, ancien haut fonctionnaire du Commerce devenu avocat, cette stratégie est délibérée :« Il ne fait aucun doute que le gouvernement tente de régler les problèmes liés au fentanyl et à l’immigration, et ces taxes lui ont donné du poids face au Canada et au Mexique, comme l’ont montré leur réaction ».
Un pari à hauts risques pour l’administration Trump
Les industriels américains s’inquiètent des répercussions potentielles d’une guerre commerciale avec leurs voisins. Une augmentation des coûts de production se traduirait par une inflation plus persistante, avec un effet direct sur les consommateurs.
Dans plusieurs industries, les inquiétudes grandissent. « Les hausses de prix se sont accélérées en raison des droits de douane, ce qui a entraîné des retards dans la passation de nouvelles commandes, des arrêts de livraison de la part des fournisseurs et des répercussions sur les inventaires », rappelle Timothy Fiore.
Donald Trump reste convaincu de l’efficacité de sa stratégie. Il a plusieurs fois répété que les droits de douane étaient « ses mots favoris » et qu’ils servaient à rééquilibrer la balance commerciale, à financer sa promesse de baisse d’impôts et à contraindre ses partenaires à respecter les États-Unis.
Pourtant, les derniers indicateurs de confiance des consommateurs ont plongé, alimentés par la crainte d’un retour de l’inflation. Matthew Martin, économiste chez Oxford Economics, souligne que « cela donne un aperçu de l’impact potentiel des droits de douane sur les prix des biens, alors même que l’essentiel des politiques du président Trump n’a pas encore été mis en œuvre ».
