La gestion des distributeurs automatiques de billets (bancomats) en Suisse est au centre d’une bataille acharnée entre deux géants : La Poste et Six, l’opérateur de la bourse et de l’infrastructure financière suisse.
Cette lutte pour le contrôle de l’infrastructure des bancomats intervient dans un contexte de recul de l’utilisation de l’argent liquide, amplifié par la pandémie, mais aussi de pressions économiques croissantes sur les deux entités.
Les enjeux économiques de Six et La Poste
Le paysage financier suisse traverse une profonde transformation. Depuis la reprise de Credit Suisse par UBS, cette dernière contrôle désormais 34 % des parts de Six, plaçant ainsi l’entreprise dans une position délicate. Bien que Six soit le partenaire privilégié des banques pour la gestion des bancomats, elle fait face à une baisse de chiffre d’affaires, notamment en raison des difficultés de ses filiales, comme l’opérateur boursier espagnol Bolsas y Mercados Españoles (BME). Par ailleurs, l’intégration progressive de Credit Suisse dans UBS risque de réduire davantage ses recettes.
Pour La Poste, l’enjeu est d’une autre nature. Avec 800 Postomat sous sa gestion, elle se considère « prédestinée » à prendre la tête du réseau de bancomats en Suisse. Thomas Baur, chef des offices de poste, affirme que La Poste pourrait offrir une solution économique intéressante aux banques en fusionnant les Postomat et Bancomat dans un réseau unique. Cette consolidation, susceptible de générer des économies d’échelle considérables, accroît la pression sur Six pour maintenir sa position.
La Poste : une alternative attrayante pour les banques
En quête de nouvelles opportunités de croissance, La Poste voit dans cette concurrence une chance de renforcer sa présence sur le marché bancaire. Au-delà des bancomats, elle envisage même de reprendre l’ensemble des activités de guichet des banques, à l’image de ce qu’elle fait déjà pour Postfinance. Cette stratégie pourrait la positionner comme un acteur incontournable dans la gestion des transactions en espèces en Suisse, proposant une solution globale aux établissements financiers.
Les banques, toujours à la recherche de solutions économiques, pourraient considérer l’offre de La Poste comme une alternative attrayante à Six. La centralisation des infrastructures de distribution de liquidités sous une seule entité permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi de simplifier la gestion des automates. La Poste soutient que ce regroupement pourrait même éliminer les frais supplémentaires pour les consommateurs lors de retraits à des automates tiers.
Six en situation précaire face à la concurrence
Bien que Six soit traditionnellement le « partenaire logique » des banques, sa position se trouve fragilisée par l’offensive de La Poste. Malgré ses efforts pour uniformiser les logiciels des automates et optimiser le réseau, elle est perçue comme un « facteur de coûts gênant » par ses propriétaires bancaires. Le succès du système de paiement mobile, d’abord sous la forme de Paymit puis intégré à Twint, n’a pas suffi à renforcer significativement sa position face à ses concurrents.
Aujourd’hui, Six se trouve dans une situation délicate, tiraillée entre les attentes de ses propriétaires et les exigences du marché. Même si les discussions sur le pooling des ATM avec les banques sont « intensives », il reste incertain que Six réussisse à convaincre suffisamment d’établissements pour assurer sa pérennité dans ce secteur.