La loi sur l’égalité, révisée il y a plus de quatre ans, impose aux entreprises de plus de 100 employés de vérifier l’égalité salariale en interne. Pourtant, selon une étude menée par Travail.Suisse sur 187 entreprises représentant 500 000 travailleurs et travailleuses, ces contrôles révèlent des lacunes importantes et n’ont pas permis de réduire les écarts de salaire. En parallèle, l’Office fédéral de la statistique indique que la discrimination salariale a augmenté en Suisse, renforçant les critiques sur l’inefficacité des mesures actuelles.
Dans ce contexte, la coalition formée par plusieurs syndicats et associations féminines adresse une lettre ouverte au gouvernement pour réclamer un durcissement du cadre législatif. Selon la coalition, les directives existantes, fondées sur le volontariat et sans sanctions, ne suffisent pas à garantir un réel respect de l’égalité salariale.
Une législation jugée inadaptée
Entrée en vigueur en 2020, la loi révisée sur l’égalité impose aux grandes entreprises de contrôler leurs pratiques salariales afin d’identifier d’éventuelles disparités entre femmes et hommes. Cependant, ces obligations se limitent à une seule analyse sans contrainte de suivi ni de correction des écarts détectés. D’après Travail.Suisse, cette approche revient à considérer ces études comme un simple exercice de sensibilisation, sans véritable portée contraignante.
Dans son projet RESPECT8-3.CH, l’organisation a examiné la mise en application de ces analyses sur un large panel d’entreprises et a constaté de nombreux dysfonctionnements. L’absence de sanctions en cas de non-respect et l’exclusion des entreprises de moins de 100 employés du dispositif sont pointées du doigt comme des failles majeures.
Pour Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique de l’égalité chez Travail.Suisse, la conclusion est sans appel : la réforme législative n’a pas eu l’effet escompté et doit être revue en profondeur.
Des revendications pour un cadre plus strict
Face à cette situation, la coalition demande des mesures immédiates. Parmi leurs revendications figure la publication sans délai d’un rapport d’évaluation externe sur l’efficacité de la révision de la loi. Les organisations signataires réclament également l’abaissement du seuil d’obligation d’analyse à 50 employés, permettant ainsi d’inclure davantage d’entreprises dans le dispositif.
Léonore Porchet, vice-présidente de Travail.Suisse et élue au Conseil national, a déposé une motion en décembre dernier pour rendre obligatoires les analyses salariales dans toutes les entreprises concernées, sans exception. Elle souligne que le marché du travail évolue rapidement, avec environ 15 % des employés changeant de poste chaque année, rendant une analyse unique insuffisante pour garantir une égalité durable.
Thomas Bauer, responsable de la politique économique chez Travail.Suisse, estime qu’il est urgent de mettre en place une réforme garantissant le respect de la loi et l’obligation pour les employeurs de procéder à des analyses salariales régulières et suivies d’actions correctives en cas d’inégalités détectées.
Une mobilisation renforcée à l’approche du 8 mars
Le choix du moment pour interpeller le Conseil fédéral n’est pas anodin. Alors que la session de printemps du Parlement s’ouvre cette semaine, la Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars, mettra en lumière les inégalités persistantes en matière de rémunération.
Les organisations dénoncent l’inaction des autorités et la lenteur des progrès réalisés en matière d’égalité salariale. Selon leur analyse, tant que des mesures réellement contraignantes ne seront pas mises en place, les entreprises continueront à contourner leurs obligations. Blick rapporte que la coalition considère la situation actuelle comme inacceptable et insiste sur l’urgence d’une intervention gouvernementale.
À ce jour, le Conseil fédéral ne s’est pas encore exprimé sur la lettre ouverte et les revendications portées par les 52 organisations. Toutefois, la pression monte au sein du Parlement, où plusieurs élus plaident pour un durcissement des règles en vigueur afin de garantir un contrôle efficace et une réelle application de la loi sur l’égalité.