Les projets de privatisation rencontrent peu d’écho en Suisse. Que ce soit pour Swisscom ou les banques cantonales, l’opinion publique reste majoritairement opposée à toute remise en cause du modèle actuel. Selon Watson, malgré plusieurs tentatives politiques, ces établissements conservent leur statut particulier et les privilèges qui en découlent.
Dans une récente étude, Avenir Suisse s’est penché sur l’impact de la garantie étatique et des exonérations fiscales accordées aux banques cantonales. Le think tank libéral estime que ces avantages leur permettent d’économiser des centaines de millions de francs chaque année, tout en privant la Confédération de recettes fiscales importantes.
Des économies considérables grâce à la garantie de l’État
La garantie étatique accordée aux banques cantonales leur confère un accès privilégié au marché des capitaux. Grâce à cette protection, elles bénéficient d’une notation de crédit plus favorable, ce qui leur permet d’emprunter à des taux inférieurs à ceux des autres banques. Selon les calculs d’Avenir Suisse, cet avantage représente une économie d’environ 585 millions de francs par an pour les 21 banques cantonales concernées.
Les disparités entre les établissements sont cependant notables. La Banque cantonale de Zurich (ZKB) est la principale bénéficiaire, avec près de 200 millions de francs économisés chaque année. La Banque cantonale de Lucerne suit avec 88 millions, tandis que la Banque cantonale jurassienne, la plus petite de la liste, ne réalise que trois millions de francs d’économies.
Cet avantage financier n’est toutefois pas répercuté sur les clients. Lukas Schmid, auteur de l’étude d’Avenir Suisse, souligne que ces économies ne se traduisent pas par une baisse des prix des services bancaires. Au contraire, elles permettent principalement aux banques cantonales d’augmenter leurs marges d’intérêt et leurs bénéfices.
Une exonération fiscale qui pénalise la Confédération
En plus de bénéficier de conditions de financement avantageuses, plusieurs banques cantonales échappent totalement ou partiellement à l’impôt. Sur les 21 établissements bénéficiant de la garantie étatique, seules cinq s’acquittent d’impôts à tous les niveaux de l’État : celles du Jura, de Glaris, de Lucerne, de Saint-Gall et, depuis 2020, de Zoug. Dix autres cantons exonèrent entièrement leurs banques cantonales d’impôts, tandis que six appliquent une exonération partielle.
Cette situation entraîne un manque à gagner d’environ 190 millions de francs par an pour la Confédération. Dans le cas de la Banque cantonale de Zurich, cette exonération lui permet même d’échapper au régime fiscal minimum de l’OCDE, qui impose un taux d’imposition de 15 % aux grandes entreprises. Officiellement exonérée d’impôts au niveau fédéral, elle ne verse aucune contribution à la Confédération, l’argent restant dans les caisses cantonales sous forme d’impôts locaux.
Une remise en question difficile
Ces privilèges accordés aux banques cantonales trouvent leur origine dans des considérations historiques. À l’époque de leur création, ils visaient à garantir un accès aux services bancaires sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, avec plus de 230 banques en Suisse et de nombreux acteurs internationaux de la fintech, Avenir Suisse estime que ce modèle n’a plus lieu d’être.
Lukas Schmid juge particulièrement problématique l’exonération fiscale au niveau fédéral et plaide pour un alignement des banques cantonales sur les autres établissements bancaires. Il propose notamment de transformer ces institutions en sociétés anonymes, ce qui supprimerait automatiquement leur exonération d’impôts.
Toutefois, toute tentative de réforme se heurte à une forte résistance politique. Malgré les critiques soulevées par les économistes, il reste peu probable que le régime fiscal et financier des banques cantonales soit modifié à court terme.