La Suisse pourrait bientôt faire face à des vagues de chaleur inédites. Selon les projections de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), des canicules de trois à cinq semaines consécutives pourraient devenir une réalité dans les prochaines années.
Ces prévisions s’inscrivent dans un contexte de réchauffement accéléré du pays, déjà fortement exposé aux effets du changement climatique. Face à cette évolution, chercheurs et institutions commencent à alerter sur les conséquences économiques, sanitaires et environnementales à anticiper.
Une chaleur plus longue, plus intense et plus difficile à supporter
L’étude menée par le climatologue Erich Fischer à l’EPFZ alerte sur une intensification notable des vagues de chaleur en Suisse. D’après les scénarios développés, le pays pourrait connaître des températures dépassant les 35 °C pendant trois à cinq semaines, en particulier si plusieurs systèmes de haute pression se succèdent. Cette durée constitue un saut qualitatif dans la manière dont les canicules affecteront le quotidien des habitants.
Les maxima possibles enregistrés dans les modèles extrêmes pourraient atteindre 44 °C à Zurich, 45 °C à Genève et 46 °C dans le Tessin, des températures bien supérieures aux records actuels. Le professeur Fischer explique à la télévision SRF que, même si de telles valeurs restent peu probables, les infrastructures critiques comme les hôpitaux ou les réseaux d’électricité doivent s’y préparer dès aujourd’hui. Une anticipation nécessaire pour éviter des ruptures de service au moment où la population aura le plus besoin de fraîcheur ou de soins.
Depuis 1900, les journées les plus chaudes se sont réchauffées de 3,5 °C et les nuits de 4,5 °C, selon les relevés présentés. Si les nuits d’été oscillaient auparavant autour de 17 à 18 °C, elles dépassent désormais régulièrement les 22 à 23 °C. Cette évolution rend les périodes de repos moins réparatrices, ce qui augmente les risques sanitaires chez les personnes vulnérables. En parallèle, les précipitations tendent à devenir plus concentrées, avec des épisodes pluvieux plus courts mais plus violents, comme ceux observés en juillet.
Les projections de l’EPFZ seront intégrées au prochain rapport sur le climat suisse prévu pour novembre. Ce rapport devrait servir de base aux autorités pour ajuster leurs politiques d’adaptation, notamment en matière de consommation énergétique, d’urbanisme, de santé publique et de gestion de l’eau.
Une accélération du réchauffement en Suisse liée à des facteurs géographiques et climatiques
La Suisse fait partie des pays les plus touchés par le changement climatique selon l’ONU. Entre 2015 et 2024, l’augmentation des températures dans le pays a atteint +2,3 °C par rapport à la période 1951-1980. Ce rythme est deux fois supérieur à celui observé au niveau mondial. Plusieurs facteurs contribuent à cette accélération spécifique.
D’abord, l’absence d’accès à la mer prive le territoire de l’effet stabilisateur des grandes masses d’eau. Ces dernières jouent généralement un rôle de tampon thermique en absorbant une part significative de la chaleur. Ensuite, la fonte progressive des glaciers et du manteau neigeux réduit la capacité de réflexion solaire du sol, un phénomène appelé albédo. Les surfaces rocheuses dégagées absorbent davantage de chaleur, accentuant le réchauffement local.
Enfin, la forte proportion de régions alpines explique en partie la sensibilité accrue du pays aux dérèglements climatiques. À mesure que l’altitude augmente, les effets du réchauffement s’amplifient, modifiant durablement les équilibres naturels et les activités économiques associées, comme l’agriculture de montagne ou le tourisme hivernal.
La météorologue Aude Untersee, interrogée par la RTS en juillet, a rappelé que « la proportion importante de régions de montagne est l’un des principaux facteurs expliquant pourquoi la Suisse se réchauffe plus vite ». Cette réalité topographique oblige à repenser les politiques locales d’aménagement, de gestion de l’eau et de prévention des risques naturels.
Alors que les projections sur les températures estivales deviennent de plus en plus précises, l’enjeu désormais est d’adapter les infrastructures et les comportements pour limiter les effets délétères de ces vagues de chaleur prolongées.








