Depuis quelques années, le marché immobilier suisse subit un bouleversement marqué par un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande de bureaux, selon Watson. Alors que certaines villes comme Zurich, Lausanne et Genève enregistrent une baisse significative des surfaces vacantes, les agglomérations et les petites communes voient leurs immeubles de bureaux se vider. Ce phénomène s’explique par la transformation des besoins des entreprises, la progression du télétravail et la recherche d’une meilleure rentabilité des espaces loués.
Cette évolution pose un défi majeur pour les propriétaires immobiliers, qui doivent trouver des solutions face à la multiplication des locaux inoccupés. Dans certaines régions, la reconversion en logements est envisagée, mais cette transition reste coûteuse et complexe. Par ailleurs, les communes sont directement touchées par ce phénomène, avec un impact sur l’activité économique locale, notamment pour les commerces et services qui dépendent du flux des employés de bureau.
Des zones saturées en périphérie, une forte demande en centre-ville
Dans plusieurs régions suisses, le contraste entre le centre et la périphérie est de plus en plus marqué. À Zurich-Oerlikon, par exemple, des immeubles entiers restent inoccupés malgré leur état neuf. D’après la société immobilière CSL, la Suisse compte environ 60 millions de mètres carrés de bureaux, dont 3 millions ont été mis en location en 2024. Cela représente une augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente, illustrant l’ampleur du phénomène.
À l’inverse, certaines zones urbaines connaissent une réduction de l’offre de bureaux disponibles. Zurich a enregistré une baisse de 11 % des surfaces vacantes en 2024, tandis que Lausanne et Genève ont connu des diminutions respectives de 19 % et 28 %, selon CSL. Les entreprises privilégient désormais des bureaux plus petits, mais mieux situés et dotés d’aménagements modernes. Cette évolution conduit à un abandon progressif des immeubles en périphérie, où la demande s’effondre.
Le quartier nord de Zurich illustre parfaitement cette tendance. La gare d’Oerlikon, l’une des plus fréquentées du pays, a récemment vu la construction de deux tours de bureaux, rapidement louées par les CFF. Une troisième est même en projet. À quelques kilomètres de là, l’aéroport de Zurich a commercialisé sans difficulté un complexe de 70 000 mètres carrés de bureaux dans le projet The Circle.
En revanche, d’autres quartiers subissent une vacance importante. À Opfikon, plus de 30 % des bureaux sont vides, ce qui représente un record national, d’après les données du prestataire immobilier JLL.
Une reconversion des bureaux difficile et coûteuse
Face à l’augmentation des bureaux vacants, certains propriétaires tentent de reconvertir ces espaces en logements. À Zurich-Seebach, la caisse de pension BVK a transformé une partie de ses immeubles en appartements après le départ de Credit Suisse.
Toutefois, ce type de projet implique des travaux lourds, avec l’ajout de cuisines, de sanitaires et d’autres aménagements adaptés à un usage résidentiel. De plus, ces logements sont parfois perçus comme moins attractifs en raison de leur conception initiale.
D’autres propriétaires adoptent des solutions plus radicales. Toujours à Zurich-Seebach, un ancien immeuble de bureaux de la SRF a été transformé en 110 lofts, qui sont désormais presque tous occupés. Toutefois, le promoteur a dû patienter avant de pouvoir louer l’ensemble des logements, renonçant même à deux loyers pour attirer des locataires.
Dans certains cas, la destruction des bâtiments est privilégiée. À proximité, la caisse de pension de Coop a décidé de démolir plusieurs immeubles de bureaux pour les remplacer par des tours résidentielles.
Des conséquences économiques pour les communes
Au-delà du marché immobilier, cette situation a des répercussions sur l’économie locale. La vacance des bureaux entraîne une baisse de la fréquentation des commerces, des restaurants et des services de proximité.
Les coiffeurs, salles de sport et bars situés dans les quartiers de bureaux constatent une diminution de leur clientèle, notamment en début et en fin de journée. À long terme, certains commerces risquent de fermer, aggravant encore l’attractivité des zones concernées.
Les communes doivent également faire face à une baisse de leurs recettes fiscales en raison du recul de l’activité économique. Moins d’employés dans les bureaux signifie aussi une baisse de la fréquentation des transports publics, ce qui peut inciter les autorités à réduire l’offre de certaines lignes. Dans les agglomérations qui ont massivement investi dans des espaces de bureaux ces dernières années, la question d’un changement de stratégie se pose désormais.
À court terme, plusieurs villes espèrent une reprise du marché ou un retour progressif des employés dans les bureaux, avec une diminution du télétravail. En attendant, certains investisseurs choisissent d’attirer des petites entreprises et des start-ups en leur proposant des loyers réduits. CSL note que cette stratégie permet d’animer certaines zones périphériques, mais reste insuffisante pour combler l’ensemble des surfaces vacantes.