Face à une conjoncture internationale tendue, la BNS se retrouve dans une situation délicate. La chute de ses réserves compromet sa capacité à verser des bénéfices aux cantons et à la Confédération dans les prochaines années. Cette évolution reflète les effets de la guerre commerciale menée par les États-Unis et ses répercussions sur les devises.
Le recul de 9 % du dollar par rapport au franc suisse a directement pesé sur la valorisation des actifs détenus par la BNS. Ce phénomène met en lumière les limites d’une politique de diversification monétaire qui s’est, ces dernières années, largement tournée vers la monnaie américaine.
Un repositionnement risqué sur le dollar
Selon les informations publiées par la NZZ, la BNS a opéré ces dernières années un transfert massif de ses réserves en euros vers des actifs libellés en dollars. Cette stratégie, qui visait à équilibrer ses portefeuilles, s’est retournée contre elle depuis le début de l’année. La dépréciation du dollar, évaluée à 9 % par rapport au franc suisse, a mécaniquement entraîné une perte de valeur estimée à 25 milliards de francs.
Thomas Stucki, responsable des investissements à la Banque cantonale de Saint-Gall, explique que chaque centime perdu par le dollar coûte environ 3,5 milliards de francs à la BNS. Le dollar, désormais prépondérant dans les réserves de la Banque, pèse d’autant plus lourdement dans ce contexte de tensions commerciales accrues.
La guerre commerciale menée par les États-Unis a accentué cette situation. Elle provoque une instabilité monétaire que la Suisse, pays exportateur et dépendant de la stabilité de ses devises, peine à encaisser. 20 Minutes rapporte que cette conjoncture défavorable pourrait remettre en cause les versements traditionnels aux collectivités publiques suisses.
Des leviers de politique monétaire limités
La BNS a tenté d’anticiper les difficultés économiques en réduisant son taux directeur de 0,25 point en mars, le fixant à 0,25 %. Cette décision, annoncée en mars dernier, visait à relancer l’activité tout en freinant l’appréciation du franc.
Mais selon l’économiste Adriel Jost, de l’Université de Lucerne, cette action est insuffisante. Il estime que la Banque nationale a « tiré ses cartouches trop tôt » et qu’elle ne dispose plus de marges de manœuvre pour réagir efficacement en cas d’aggravation de la conjoncture.
Une nouvelle baisse des taux, voire un retour en territoire négatif, est évoquée dans les milieux financiers. Elle pourrait être décidée lors de la prochaine réunion de politique monétaire prévue le 19 juin. Néanmoins, son effet réel sur la stabilisation des réserves semble limité, compte tenu du contexte global et de la faiblesse des outils encore à disposition.
Des pistes pour rétablir la stabilité
Face à cette situation, plusieurs recommandations émergent. Thomas Stucki propose de réduire la dépendance au dollar en renforçant la part des réserves d’or. Ce métal précieux, moins exposé aux fluctuations monétaires, a en partie permis d’atténuer les pertes subies depuis le début de l’année.
Il suggère également de laisser le franc suisse s’apprécier naturellement, considérant qu’une monnaie forte constitue un facteur de stabilité dans un environnement géopolitique incertain.
La perspective d’un affaiblissement volontaire du dollar par l’administration américaine, voire l’instauration de taxes sur les obligations d’État, aggrave encore l’incertitude. Dans ce contexte, la BNS se trouve à la croisée des chemins, contrainte de repenser sa stratégie sans disposer d’outils réellement efficaces à court terme.