La BNS est aujourd’hui l’une des banques centrales les plus prudentes en matière de constitution de réserves, selon RTS. Contrairement à certaines institutions monétaires qui fonctionnent sans fonds propres, voire avec un capital négatif, la BNS maintient un niveau élevé de réserves, rappelant les pertes subies en 2022. Selon Martin Schlegel, président de la BNS, la priorité actuelle est de renforcer ces fonds avant d’envisager toute redistribution plus importante des bénéfices.
Cette approche limite directement les versements aux cantons et à la Confédération. Pour l’année 2024, la BNS prévoit de reverser 3 milliards de francs, une somme bien inférieure aux attentes des collectivités publiques. Le rapport de l’Observatoire de la BNS, rédigé par trois économistes spécialisés dans la politique monétaire, estime qu’une révision des critères de constitution des réserves permettrait d’augmenter significativement les montants redistribués.
Une indépendance préservée au prix d’une politique restrictive
Selon Charles Wyplosz, membre de l’Observatoire de la BNS, une banque centrale n’a théoriquement pas besoin de fonds propres, rapporte la même source. En cas de difficulté, elle peut créer de la monnaie pour se renflouer. Pourtant, les dirigeants des banques centrales défendent le maintien de réserves substantielles pour garantir leur indépendance. En l’absence de fonds propres suffisants, elles pourraient être contraintes de solliciter l’aide du gouvernement, remettant en question leur autonomie.
La BNS justifie donc sa politique par la nécessité de se prémunir contre d’éventuelles crises financières. Si elle devait intervenir massivement pour stabiliser le système, ses réserves actuelles lui offriraient une marge de manœuvre. Toutefois, cette prudence a un coût. En effet, les cantons et la Confédération reçoivent moins d’argent, réduisant ainsi les ressources publiques issues des bénéfices de la banque centrale.
Une redistribution plus généreuse jugée possible
Les économistes de l’Observatoire de la BNS ont calculé que l’institution détient un ratio de fonds propres de 16,3 %, un niveau sans équivalent parmi les banques centrales. D’après leurs analyses, un ratio situé entre 10 et 15 % suffirait pour garantir la stabilité de la BNS tout en permettant de redistribuer, de manière lissée, entre 10 et 55 milliards de francs supplémentaires.
Cette analyse met en lumière un manque de clarté dans les calculs de la BNS. « On a de la peine à voir la logique de son calcul », souligne Charles Wyplosz. « Elle a peut-être de bonnes raisons de constituer les réserves les plus élevées du monde, mais on ne les comprend pas ». Selon lui, il serait plus simple d’établir en amont le niveau de fonds propres nécessaire avant de décider du montant des bénéfices à distribuer.
Le débat prend d’autant plus d’ampleur que la convention entre la BNS et le Département fédéral des finances, qui fixe les modalités de redistribution des bénéfices, doit être renégociée cette année. Une plus grande transparence dans la gestion des réserves pourrait influencer ces discussions et modifier l’équilibre entre prudence budgétaire et soutien aux finances publiques.