Suisse : Berne s’apprête à trancher sur la rentabilité des panneaux solaires

La Suisse voit son parc photovoltaïque se développer rapidement, mais les propriétaires de panneaux solaires ne bénéficient pas tous des mêmes conditions pour revendre leur électricité excédentaire. Le Conseil fédéral s’apprête à publier une ordonnance visant à uniformiser les tarifs de rachat, une mesure qui pourrait bouleverser l’équilibre financier de nombreuses installations.

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Panneaux solaires
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L’énergie solaire connaît un essor considérable dans le pays. En 2024, la puissance installée devrait atteindre 1 800 mégawatts, soit l’équivalent de la consommation de 400 000 ménages. Pour la première fois, plus de 10 % de la consommation d’électricité en Suisse provient du solaire. Cet élan s’inscrit dans la volonté de renforcer les énergies renouvelables, alors que le pays ambitionne d’atteindre 35 térawattheures (TWh) d’électricité renouvelable d’ici 2035, dont près de 30 TWh issus du solaire.

Malgré cet engouement, des disparités de prix persistent selon les communes, influençant directement la rentabilité des installations. Un rapport de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et de l’Université de Berne, publié en 2023, a mis en évidence ces écarts importants. Certains propriétaires bénéficient de remboursements généreux, tandis que d’autres doivent se contenter de tarifs très bas. Face à cette inégalité, le Conseil fédéral entend fixer une rétribution minimale qui s’appliquera à l’ensemble du pays à partir du 1ᵉʳ janvier 2026.

De grandes disparités entre les communes

La rémunération de l’électricité excédentaire injectée dans le réseau varie fortement selon les localités. À Einsiedeln, par exemple, un propriétaire de panneaux solaires peut obtenir plus de 15 centimes par kilowattheure pour l’électricité qu’il revend. En revanche, dans la commune voisine d’Alpthal, ce tarif chute sous la barre des 6 centimes.

Cette situation s’explique par le fait que chaque entreprise d’approvisionnement en énergie applique ses propres tarifs d’achat. Certaines, contraintes par la législation d’acheter l’électricité des particuliers, maintiennent des prix très bas pour limiter leurs coûts. Cette diversité tarifaire a poussé l’Association suisse des entreprises d’approvisionnement en énergie à revendiquer une tarification basée sur le marché, ce qui a conduit le Conseil fédéral à revoir les règles du secteur.

L’ordonnance en préparation prévoit ainsi l’introduction d’un prix minimal national, qui devrait entrer en vigueur en 2026. L’objectif est de mettre fin aux grandes différences entre les communes et d’assurer une rémunération plus équitable pour les producteurs d’électricité solaire.

Une rétribution minimale controversée

Le projet du Conseil fédéral fixe une rémunération minimale comprise entre 0 et 4,6 centimes par kilowattheure pour les propriétaires d’une installation photovoltaïque de moins de 30 kilowatts. Un seuil jugé insuffisant par certains acteurs du secteur, notamment les Vert’libéraux et Swisssolar.

Jürg Grossen, président des Vert’libéraux et de Swisssolar, estime que cette rémunération va à l’encontre de la loi, qui prévoit un amortissement garanti des installations sur leur durée de vie. Selon lui, ce nouveau cadre réglementaire apporte une incertitude pour ceux qui possèdent déjà des panneaux solaires ou envisagent d’en installer. Il souligne également que d’autres centrales électriques, comme l’hydroélectricité, bénéficient de rémunérations bien plus élevées, atteignant 12 centimes ou plus par kilowattheure, surtout lorsqu’elles sont intégrées dans l’approvisionnement de base.

Un autre problème se pose : lors des périodes de forte production, notamment en été, les prix de l’électricité peuvent devenir négatifs en raison de la surabondance d’énergie. Dans ces conditions, les producteurs solaires risquent de voir leur rentabilité fortement réduite. Jürg Grossen admet que cette situation est problématique mais estime qu’une autre approche doit être trouvée pour la gérer.

Une mobilisation encore limitée

Malgré les inquiétudes soulevées par cette nouvelle réglementation, la mobilisation reste modérée. Les Vert’libéraux ont lancé un appel au Conseil fédéral pour protester contre ces faibles rétributions d’achat, qu’ils jugent contraires à la volonté du peuple et des législateurs. Pourtant, cet appel peine à rassembler : à ce jour, seulement 2 500 personnes l’ont signé, soit moins de 1 % des propriétaires d’installations photovoltaïques en Suisse.

Alors que la consultation publique est en cours, les débats se poursuivent entre les acteurs du secteur énergétique. Le Conseil fédéral devrait publier l’ordonnance sur la loi sur l’électricité dans la seconde moitié du mois de février. Cette décision sera déterminante pour l’avenir du photovoltaïque en Suisse, dans un contexte où la transition énergétique repose en grande partie sur le développement du solaire.

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