La BCE temporise face aux pressions de dérégulation bancaire en Europe

Les grandes banques européennes réclament un allègement des règles prudentielles. La BCE refuse de suivre l’exemple américain et privilégie la stabilité financière.

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la banque centrale européenne (BCE)
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Alors que les grandes banques européennes réclament un assouplissement des règles prudentielles, la Banque centrale européenne (BCE) s’oppose fermement à toute démarche qui pourrait fragiliser la stabilité du système financier. Face à l’exemple américain, l’institution monétaire défend une ligne de conduite stricte et prudente.

Les mastodontes bancaires du Vieux Continent estiment être désavantagés par rapport à leurs homologues des États-Unis, où la régulation bancaire s’est récemment assouplie. Ces établissements plaident pour une adaptation des règles en Europe afin de préserver leur compétitivité sur les marchés mondiaux.

La gardienne de l’euro, par la voix de Patrick Montagner, membre du Conseil de surveillance prudentielle, s’oppose à cette perspective. Elle rappelle que toute modification du cadre réglementaire doit d’abord garantir la résilience du système bancaire. Le sujet devient d’autant plus sensible que les conséquences d’une dérégulation excessive ont déjà laissé des traces dans l’histoire récente du secteur financier, comme le rapporte Blick.

Les banques européennes dénoncent un déséquilibre réglementaire

Les grandes institutions financières du continent, parmi lesquelles Deutsche Bank, BNP Paribas ou encore UniCredit, dénoncent une législation qu’elles jugent plus contraignante que celle en vigueur aux États-Unis. Elles estiment que cette situation crée une distorsion de concurrence et appellent à une simplification des exigences prudentielles.

Outre-Atlantique, l’administration américaine a repoussé à 2028 l’application de la dernière version des accords de Bâle, destinés à renforcer la solidité du secteur bancaire. Certaines règles pourraient même être allégées. Selon les informations relayées par le média helvétique, la récente nomination de Michelle Bowman — réputée favorable à une supervision plus souple — à la vice-présidence de la Réserve fédérale s’inscrit dans cette orientation.

Du côté de l’Union européenne, la Commission a annoncé le 19 mars dernier le report de la mise en œuvre de ces normes à 2026, avec la possibilité de décaler encore d’un an. Le Royaume-Uni a déjà suspendu leur application jusqu’en 2027. Toujours selon la même source, un rapport sur la compétitivité du système bancaire au sein du marché unique est attendu en 2026, avec la participation active de la Banque centrale dans les travaux préparatoires.

La BCE rejette toute dérégulation au détriment de la stabilité

Dans un entretien accordé à l’AFP, Patrick Montagner insiste sur la nécessité de « toujours aborder la réglementation bancaire avec prudence ». Selon lui, le secteur financier est par nature exposé à une forte instabilité, et toute suppression de règles pourrait en compromettre la résilience.

Il affirme que la simplification des normes, si elle signifie une suppression de règles fondamentales, ne correspond pas à l’approche de l’autorité de surveillance. « La BCE sera hostile à ce type de simplification, mais in fine le législateur décidera », prévient-il. Il rappelle qu’un précédent cycle de déréglementation, survenu de la fin des années 1990 au milieu des années 2000, a mené à une série de crises localisées, avant le choc global de 2008.

La fragilité du système bancaire a resurgi en 2023, avec la faillite de plusieurs banques régionales américaines provoquée, selon le superviseur européen, par un cadre réglementaire insuffisant. Cette situation a nécessité une intervention fédérale pour enrayer la contagion, comme l’indique le média suisse.

La croissance économique n’est pas entravée par la régulation

Patrick Montagner, cité par l’AFP, affirme que « la réglementation bancaire n’a jamais freiné la croissance économique des pays, contrairement aux crises bancaires ». Il met en garde contre l’idée selon laquelle un assouplissement des règles serait un levier direct de croissance.

La conjoncture actuelle en Europe est marquée par un affaiblissement des perspectives économiques, non pas en raison des contraintes prudentielles, mais à cause des tensions géopolitiques et du risque croissant de guerre commerciale. Ces éléments pourraient entraîner une dégradation du risque de crédit et une hausse des créances douteuses, selon les propos du responsable de la supervision.

Il estime également que la croissance économique ne dépend pas uniquement des taux d’intérêt, que l’institution monétaire a d’ailleurs commencé à abaisser pour soulager les emprunteurs. Elle est aussi conditionnée par la productivité, les dynamiques de l’offre et de la demande, ainsi que par les entraves aux échanges commerciaux.

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