Banques, fiscalité et influence : les Etats-Unis ont souvent fait plier la Suisse

La Suisse demeure contrainte de plier face aux États-Unis, partagée entre préservation de ses intérêts et acceptation des rapports de force internationaux.

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Etats-Unis et Suisse
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La Suisse se retrouve une nouvelle fois confrontée à la puissance économique et diplomatique des États-Unis. Alors que les conseillers fédéraux Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin sont à Washington pour tenter de renégocier des droits de douane, le rapport de force semble largement déséquilibré. 

L’histoire récente démontre que Berne peine à s’opposer à la superpuissance américaine lorsqu’il s’agit d’enjeux financiers ou commerciaux majeurs. Cette situation soulève la question de la capacité de la Confédération à préserver ses intérêts tout en maintenant ses relations stratégiques avec Washington.

Du secret bancaire à la reddition fiscale

L’un des épisodes les plus marquants de cette dépendance remonte à 2009. Face aux pressions du G20, mené par les États-Unis, la Suisse accepte de renoncer à la distinction entre fraude et évasion fiscale, un principe fondamental de son droit bancaire. Cette décision intervient dans un contexte de crise financière mondiale, où le fisc américain cherche à récupérer les avoirs dissimulés par ses contribuables dans les coffres-forts helvétiques. Le bras de fer avec UBS illustre parfaitement cette dynamique : la banque a dû fournir les données de milliers de clients soupçonnés de fraude fiscale après une bataille judiciaire tendue.

Le 13 mars 2009, la Suisse cède officiellement, actant une évolution historique. Hans-Rudolf Merz, alors conseiller fédéral en charge des finances, tente de rassurer l’opinion publique en affirmant que « le secret bancaire sera maintenu tel qu’il est établi dans notre Constitution fédérale et dans nos lois ». Pourtant, dans les faits, l’ère de l’opacité bancaire est révolue. Cette capitulation a permis aux États-Unis d’imposer leur vision de la transparence fiscale et de réaffirmer leur pouvoir sur la place financière helvétique.

Au-delà de la finance, cette influence s’est également manifestée sur le plan géopolitique. Pendant la Guerre froide, les États-Unis exigent de la Suisse qu’elle limite ses exportations vers les pays communistes. Malgré les réticences de Berne, craignant de compromettre sa neutralité, Washington menace d’un embargo. Résultat : un accord secret est signé en 1951, plaçant la Suisse dans une position ambiguë, neutre en apparence mais alignée sur les démocraties occidentales. L’historien Sacha Zala, directeur du centre de recherche des Documents diplomatiques suisses (Dodis), souligne que les Américains qualifiaient alors la Suisse de « notre neutre », une formule révélatrice du rapport de force de l’époque selon RTS.ch.

Pressions commerciales et fragilité économique

Aujourd’hui, les tensions se déplacent sur le terrain commercial. Les taxes douanières américaines, initiées sous la présidence de Donald Trump, continuent de peser sur les exportateurs suisses. Pour un pays fortement intégré au commerce international, dont l’économie repose largement sur les exportations de produits pharmaceutiques, horlogers et industriels, ces mesures constituent un risque majeur. « La Suisse a une économie qui est très tournée vers l’exportation, donc cela la rend aussi faible face à ce genre de pressions », explique Sacha Zala.

Dans ce contexte, la visite de Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin à Washington revêt une importance particulière. Les deux conseillers fédéraux rencontrent le secrétaire d’État américain Marco Rubio pour tenter de trouver un terrain d’entente. Mais selon plusieurs experts, la marge de manœuvre de la Confédération reste limitée : plus un pays est petit, moins il est en mesure de s’opposer aux exigences américaines. L’histoire récente confirme d’ailleurs que, lorsqu’il s’agit de défendre ses intérêts vitaux, Washington n’hésite pas à « faire passer les règles qu’il veut », comme le rappelle l’historien Sacha Zala.

Ainsi, entre pressions douanières et héritage du secret bancaire, la Suisse continue de composer avec une réalité incontournable : sa dépendance économique et financière vis-à-vis de la première puissance mondiale. Si Berne parvient parfois à obtenir des concessions ponctuelles grâce à sa neutralité, les décisions stratégiques se prennent bien souvent à Washington, et la Confédération n’a d’autre choix que de s’adapter.

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