Après sept années difficiles marquées par les taux d’intérêt négatifs, la Suisse pourrait à nouveau y faire face d’ici la fin de l’année 2025. Une approche proactive qui viserait à protéger l’économie suisse d’une récession prolongée, en tenant compte des défis spécifiques du pays.
La Banque nationale suisse prépare un retour aux taux d’intérêt négatifs en 2025
La Banque nationale suisse (BNS) s'apprête à abaisser son taux directeur en décembre 2024 pour la quatrième fois cette année, atteignant 0,75 %. Cette série de baisses pourrait préparer la Suisse à renouer avec les taux d'intérêt négatifs d'ici fin 2025, une situation redoutée mais potentiellement nécessaire selon les responsables de la politique monétaire.
Le nouveau président de la BNS, Martin Schlegel, a abordé cette question délicate lors d'une conférence à l'Université de Zurich. Insistant sur la nécessité d'agir rapidement face aux défis économiques et monétaires, il a rappelé que bien que personne n'aime les taux négatifs, y compris la Banque nationale, ces mesures pourraient devenir indispensables pour contrer une déflation menaçante et stabiliser l'économie suisse.
Pourquoi les taux négatifs refont surface ?
Les taux d'intérêt négatifs, que « personne n'aime », selon Schlegel, sont envisagés pour contrer un éventuel ralentissement économique combiné à une déflation persistante. Avec un franc suisse apprécié, refuge traditionnel en période d'incertitude, les exportations du pays sont sous pression, tandis que la baisse des prix des importations renforce les tendances déflationnistes.
Contrairement à d'autres banques centrales, la BNS adopte une approche flexible de la stabilité des prix, ciblant un taux d'inflation compris entre 0 % et 2 %. Cette marge permettrait à la banque d'intervenir de manière plus mesurée tout en limitant les risques d'auto-entretien de la déflation, un phénomène qui freine la consommation et l'investissement en raison des anticipations de baisses futures des prix.
Une Europe fragilisée comme facteur aggravant
La situation économique en Europe alimente également les inquiétudes. En Allemagne, l'industrie est confrontée à des licenciements massifs et le moral des affaires est en berne dans plusieurs grandes économies de la zone euro. Une chute soudaine de l'inflation dans la région pourrait accentuer les pressions déflationnistes en Suisse, rendant des baisses supplémentaires des taux directeurs inévitables.
Le vice-président de la BNS, Antoine Martin, a récemment souligné que les baisses de taux restent le levier le plus efficace dans ce type de contexte. Les interventions sur le marché des changes, bien que possibles, sont plus pertinentes lorsque le potentiel d'ajustement des taux directeurs est déjà pleinement exploité.
Une stratégie déjà en marche
Depuis le printemps dernier, les hypothèques à taux fixe sur cinq ans ont vu leur coût tomber à environ 1,5 %, un chiffre qui pourrait encore diminuer si les attentes des taux d'intérêt négatifs se concrétisent. Cette baisse des coûts de financement s'inscrit dans une dynamique où l'inflation suisse, actuellement légèrement supérieure à 1 %, pourrait repasser en territoire négatif d'ici 2025.
Malgré les réductions successives du taux directeur, la BNS est critiquée pour avoir sous-estimé le recul rapide de l'inflation réelle. Si cette tendance persiste, les taux d'intérêt réels corrigés de l'inflation pourraient continuer d'augmenter, aggravant le risque de déflation.
Une politique impopulaire mais nécessaire
La Banque nationale suisse s'est illustrée en 2022 par sa réactivité face à l'inflation, établissant ainsi une crédibilité précieuse sur les marchés financiers. Aujourd'hui, elle fait face à un défi inverse qui consiste à agir rapidement pour éviter une spirale déflationniste tout en maintenant la compétitivité de l'économie suisse, à la fois exportatrice et dépendante des importations.
Pour Martin Schlegel, débuter son mandat par une telle décision ne fait sans doute pas partie des scénarios idéaux. Cependant, dans un contexte d'instabilité croissante, les taux d'intérêt négatifs pourraient une fois de plus devenir une réalité incontournable pour préserver l'économie suisse.