Plus aucun pays européen ne veut d’armement Swiss made

Le recul spectaculaire des exportations d’armes suisses vers l’Europe reflète un double mouvement de contraintes juridiques internes et de ruptures diplomatiques externes.

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Le secteur de l’armement suisse connaît un recul notable sur le marché européen. Jadis prisés pour leur qualité et leur neutralité, les équipements militaires helvétiques ne séduisent plus autant les pays voisins. 

En cause, des règles d’exportation jugées trop restrictives et un climat politique européen de plus en plus frileux vis-à-vis de l’industrie de l’armement. Ce désintérêt pourrait avoir des conséquences durables sur l’économie d’un secteur déjà sous tension.

Une politique d’exportation suisse jugée trop rigide

Depuis plusieurs années, les entreprises suisses de défense font face à un durcissement réglementaire qui freine leurs activités à l’exportation. La législation helvétique interdit la vente d’armes vers les pays en guerre civile ou susceptibles de les réexporter dans des zones de conflit. Si cette politique vise à maintenir une image éthique et responsable de la Suisse, elle se traduit par un net repli des commandes venant de pays européens.

Selon le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), la valeur totale des exportations d’armement suisse vers l’Europe s’est effondrée en 2023 pour atteindre 8 millions de francs suisses, contre 123 millions l’année précédente. Ce chiffre représente une chute de 93 %, un niveau historiquement bas. À titre de comparaison, en 2019, les exportations européennes représentaient encore plus de 50 % des ventes d’armes suisses. Aujourd’hui, cette part est tombée à 4 %.

Les entreprises concernées dénoncent un cadre légal devenu trop contraignant. Dans les colonnes de Blick, un représentant d’Aebi Schmidt, fabricant d’équipements spécialisés pour forces armées, explique que « la législation actuelle met nos partenaires européens dans une position intenable : ils ne peuvent pas garantir à 100 % que nos produits ne seront pas réexportés, ce qui bloque les transactions ». Plusieurs industriels ont également souligné que ces conditions créent une incertitude juridique décourageant les clients potentiels.

Des conséquences industrielles et diplomatiques pour la Suisse

Le recul des exportations d’armement vers l’Europe dépasse la seule question des chiffres. Il traduit aussi une forme d’isolement diplomatique croissant de la Suisse dans un contexte géopolitique tendu. Le refus de Berne d’autoriser la réexportation de matériel militaire suisse vers l’Ukraine, exprimé à plusieurs reprises depuis 2022, a irrité plusieurs partenaires européens. Cette position a conduit l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Danemark à se tourner vers d’autres fournisseurs.

Les répercussions industrielles sont aussi significatives. Plusieurs entreprises ont vu leurs chaînes de production perturbées, certains contrats annulés, et les perspectives de croissance se réduire. Le groupe RUAG, acteur majeur de l’industrie de défense helvétique, a connu une baisse de son carnet de commandes et évoque une réorientation nécessaire de sa stratégie. Pour certains analystes, cette situation pourrait précipiter un désengagement progressif du secteur de la défense en Suisse, faute de débouchés commerciaux suffisants.

Face à cette dynamique, des voix s’élèvent pour demander un assouplissement du régime d’exportation. Le président de la Commission de politique de sécurité du Conseil national, Mauro Tuena, estime que « la neutralité ne doit pas être un obstacle à la participation de la Suisse à l’effort de sécurité européen ». Ce débat divise profondément la classe politique suisse, entre partisans d’un aggiornamento législatif et défenseurs d’une neutralité stricte.

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