L’escalade du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine bouleverse les échanges mondiaux et repositionne la Suisse au cœur de nouvelles dynamiques commerciales. Alors que Washington impose des droits de douane atteignant 125 % sur les importations chinoises, Pékin riposte avec des mesures équivalentes.
Dans ce bras de fer, la Suisse pourrait bien se retrouver inondée de produits chinois à bas prix. Cette évolution n’est pas sans conséquences pour les entreprises locales, les équilibres économiques suisses et les relations commerciales européennes.
La Suisse, voie d’entrée privilégiée vers l’Europe pour les produits chinois
L’intensification des tensions douanières entre la Chine et les États-Unis contraint Pékin à redéfinir ses priorités commerciales. Face à une baisse attendue de ses exportations vers les États-Unis – qui s’élevaient encore à 440 milliards de dollars l’an passé – la Chine cherche de nouveaux débouchés. D’après Stefan Legge, économiste à l’université de Saint-Gall, des fournisseurs chinois se tournent déjà vers l’Europe, a relaté Blick. La Suisse, avec son accord de libre-échange signé en 2013, devient une destination stratégique.
Ce contexte favorise une hausse des importations de produits chinois en Suisse. En 2023, ces importations ont atteint 5,6 milliards de francs, en hausse de 32 % par rapport à 2022. La plateforme Temu, qui expédie des colis depuis la Chine, utilise désormais la Suisse comme point d’entrée vers l’Europe. Contrairement à l’Union européenne, la Confédération applique moins de restrictions douanières, offrant un avantage logistique certain aux entreprises chinoises.
Les produits concernés, notamment dans le secteur du textile et des biens de consommation, sont proposés à des prix très faibles, suscitant une vive inquiétude chez les commerçants suisses. Ces derniers dénoncent une concurrence qualifiée de « déloyale », alimentée par le dumping et la sous-déclaration de valeur marchande. Le phénomène s’accompagne d’un affaiblissement de la compétitivité des entreprises locales, incapables de suivre ces tarifs agressifs.
Un commerce asymétrique qui suscite des tensions politiques et économiques
Le repositionnement de la Suisse comme plaque tournante des importations chinoises ne fait pas l’unanimité. Le conseiller national Roger Köppel (UDC) alerte sur une dépendance croissante à l’égard de la Chine, estimant que le pays se transforme en « cheval de Troie » pour les intérêts chinois en Europe. Dans le même temps, l’Union européenne surveille de près l’évolution de la situation. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a averti que l’Europe ne peut absorber « les surcapacités mondiales » et qu’elle refusera le dumping sur son marché.
Les perspectives ne sont pas meilleures du côté des exportateurs suisses. Alors que les États-Unis et la Chine représentent les deuxième et troisième partenaires commerciaux de la Suisse après l’UE, le ralentissement économique de ces deux géants fragilise les ventes suisses à l’étranger. Selon Stefan Legge, une récession américaine pourrait aggraver la situation. Les marges de manœuvre sont réduites, d’autant plus que l’accord de libre-échange avec la Chine, bien que bénéfique à court terme, n’est pas symétrique. La Suisse ouvre son marché, mais n’obtient pas les mêmes conditions en retour pour ses exportations vers la Chine.
Pour l’heure, la Confédération n’a pas annoncé de mesures correctives. Mais les signaux d’alerte se multiplient. L’arrivée massive de produits chinois pourrait accentuer le déséquilibre du commerce extérieur, nuire à la production locale et exposer la Suisse à des critiques croissantes de ses partenaires européens.