Le vendredi, le Conseil fédéral a officialisé l’adoption d’un ensemble de mesures d’accompagnement visant à préserver les niveaux salariaux en Suisse. Ces mesures, élaborées en collaboration avec les partenaires sociaux et les cantons, répondent à la nécessité d’une réponse interne face aux conséquences attendues de la future relance des relations bilatérales avec l’UE.
Ces mesures sont le résultat de 80 rondes de négociations menées sur deux ans entre les représentants syndicaux, les organisations patronales, les cantons et l’administration fédérale. Elles s’inscrivent dans un contexte politique sensible, où le maintien des conditions de travail constitue une ligne rouge pour les partenaires sociaux et certains partis politiques.
Des mesures ciblées sur les entreprises européennes de détachement
Le paquet de mesures adopté cible en priorité les secteurs exposés au dumping salarial, à commencer par celui de la construction. Il vise particulièrement les entreprises de détachement en provenance de l’Union européenne, qui envoient temporairement des salariés travailler en Suisse. Pour ces entreprises, le dispositif prévoit le développement et la centralisation de la procédure d’annonce des travailleurs, ainsi que l’introduction des attestations des conventions collectives de travail comme norme pour fixer les conditions salariales.
La réglementation sur les frais engagés par les employés, qui ne font pas partie du salaire, a également été précisée. Désormais, la différence entre les coûts encourus en Suisse et ceux pratiqués à l’étranger devra être prise en charge par l’entreprise de détachement. Cette solution, déjà en vigueur dans plusieurs États européens, vise à garantir que les salariés détachés ne soient pas pénalisés financièrement lorsqu’ils sont envoyés en Suisse, rapporte la RTS.
Les autorités suisses précisent que ces nouvelles règles ne créent pas de charges supplémentaires majeures pour les entreprises suisses, puisqu’elles reposent sur les dispositifs existants. Le conseiller fédéral Guy Parmelin a ainsi affirmé que « le marché flexible du travail n’est pas atteint ».
Une 14e mesure pour mieux protéger les représentants des travailleurs
Le Conseil fédéral a intégré une 14e mesure au train initialement prévu. Elle concerne la protection contre le licenciement des représentantes et représentants élus des travailleurs. Cette disposition s’appliquera dans les entreprises de plus de 50 employés. Elle constitue une réponse à une plainte des syndicats déposée il y a vingt ans auprès de l’Organisation internationale du travail, dénonçant l’absence de cadre légal pour protéger les délégués syndicaux.
Cette amélioration a été introduite après que les partenaires sociaux, en février, s’étaient déjà entendus sur treize mesures. La 14e mesure complète le dispositif dans l’optique de garantir une meilleure représentativité et un dialogue social plus équilibré dans les grandes entreprises.
Helene Budliger Artieda, secrétaire d’État à l’Économie, a rappelé la volonté du Conseil fédéral d’éviter toute forme de dumping salarial, soulignant l’importance de cette protection supplémentaire pour stabiliser le climat social dans les entreprises suisses.
Réactions contrastées des syndicats, du patronat et des partis
L’Union syndicale suisse (USS) a salué l’adoption de ce train de mesures. Son président, Pierre-Yves Maillard, a affirmé que le Conseil fédéral reconnaît désormais que « les exigences de l’Union européenne affaiblissent la protection des salaires ». Il a néanmoins précisé que l’USS n’a pas obtenu tout ce qu’elle souhaitait et réserve sa décision finale à l’issue du processus parlementaire.
L’USS se félicite également que les marchés publics soient davantage attribués à des entreprises respectant les normes salariales, et que les entrepreneurs principaux soient rendus responsables des manquements de leurs sous-traitants. La faîtière syndicale note aussi des gains d’efficience dans la procédure d’annonce et une modernisation des exigences en matière d’extension des conventions collectives de travail, même si cette modernisation reste limitée aux CCT existantes.
Du côté patronal, l’Union patronale suisse soutient les treize premières mesures mais se montre sceptique à l’égard de la quatorzième. L’Union suisse des arts et métiers partage ce scepticisme, estimant que la nouvelle protection pourrait créer un déséquilibre entre les salariés en favorisant les représentants syndicaux. Ces organisations attendent la présentation concrète du projet pour en évaluer les implications.
Du point de vue politique, le Parti socialiste considère ces mesures comme « une étape importante » dans la stabilisation des relations avec l’Union européenne et appelle les autres forces politiques à les soutenir. Il avertit néanmoins qu’il s’agit d’une solution minimale qui ne permet pas de dérogation vers le bas. Le Centre, de son côté, insiste sur l’importance du consensus entre partenaires sociaux pour garantir l’acceptabilité de l’accord au niveau national.