Depuis plusieurs années, la Suisse est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, une problématique qui pourrait s’aggraver : 460 000 postes pourraient manquer d’ici 2035, selon Economiesuisse. Dans ce contexte, l’accord signé en 2014 avec la Tunisie apparaît comme une solution pertinente.
Cet accord, mentionné dans un article publié par Le Temps, permet à des jeunes Tunisiens diplômés ou disposant d’une première expérience professionnelle, âgés de 18 à 35 ans, de venir travailler en Suisse pour une durée maximale de 18 mois. La procédure simplifiée pour obtenir le permis de travail L, en seulement quatre à six semaines, facilite leur intégration. Toutefois, malgré son potentiel, cette initiative reste sous-utilisée : seulement 201 jeunes ont bénéficié du programme depuis son entrée en vigueur, dont 38 en 2024.
Un secteur stratégique encore sous pression
Le marché de l’emploi suisse, particulièrement tendu dans des domaines comme l’hôtellerie-restauration, illustre l’importance de cet accord. Les besoins en personnel dans des régions touristiques comme le Valais sont renforcés par une saisonnalité marquée. En effet, la haute saison hivernale des stations alpines coïncide avec la fermeture des hôtels balnéaires tunisiens, créant une complémentarité idéale.
Selon Beat Eggel, directeur d’HotellerieSuisse Valais, « La formation en Tunisie dans le secteur est bonne, le pays a une forte histoire touristique et pour le Valais francophone, les jeunes Tunisiens parlent bien français ». Bien que les employeurs soient intéressés par ces profils, la méconnaissance de l’accord freine son adoption. Un programme complémentaire, nommé « Perspectives » et lancé en 2022, tente de combler ce fossé en facilitant la mise en relation entre employeurs suisses et candidats tunisiens.
Une expertise tunisienne au service des besoins suisses
Dora Milad, présidente de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie, met en avant la solide tradition touristique de la Tunisie, où 50 000 à 100 000 professionnels sont formés chaque année. Leur polyvalence, associée à une maîtrise de langues européennes comme le français et l’allemand, constitue un atout indéniable pour les employeurs suisses.
La Tunisie dispose d’une industrie hôtelière moderne, forte de plus de 400 établissements membres de la fédération, allant des hôtels trois aux cinq étoiles. En Valais, la complémentarité est évidente, car selon Milad, ces jeunes Tunisiens possèdent une formation à la pointe et sont attentifs aux évolutions technologiques, comme l’intelligence artificielle et la durabilité.
Cependant, certains défis demeurent : les employeurs suisses montrent une réticence à recruter des personnes sans expérience préalable en Suisse, ce qui limite les opportunités de contrats plus longs. Malgré cela, des témoignages encourageants émergent. « J’emploie un jeune Tunisien et ça se passe très bien », confie un hôtelier suisse, ajoutant que ces jeunes se distinguent par leur passion, leur polyvalence et leur maîtrise des langues étrangères.