L’assurance maladie en Suisse est un enjeu majeur pour la population, où près de 80 % des assurés renoncent volontairement au libre choix de leur médecin afin de réduire leurs primes. Ce renoncement, favorisé par des modèles alternatifs comme le système des médecins de famille ou le conseil téléphonique Telmed, permet des économies allant de 15 % à 25 %. Toutefois, certains groupes, comme les bénéficiaires de l’aide sociale et les demandeurs d’asile, restent affiliés au modèle standard avec libre choix du médecin, une situation que certains considèrent comme inéquitable.
Cette situation a mené à une initiative parlementaire, portée par le conseiller national Marcel Dobler, visant à obliger ces populations à adopter des modèles d’assurance maladie alternatifs. Selon lui, une telle mesure pourrait économiser entre 200 et 400 millions de francs par an, même si des exceptions pourraient être envisagées dans des cas spécifiques.
Les tensions autour des coûts et des disparités
Depuis plusieurs années, les coûts de l’assurance maladie pèsent lourdement sur les ménages suisses, incitant la majorité à opter pour des solutions moins coûteuses. Cependant, la proposition de contraindre les populations précaires à faire de même repose sur une logique budgétaire controversée. D’un côté, elle répond à une volonté de rationalisation des dépenses publiques. De l’autre, elle risque de creuser davantage les inégalités d’accès aux soins.
Les bénéficiaires de prestations sociales ne choisissent pas toujours leur modèle d’assurance, celui-ci étant souvent imposé par les cantons ou les structures administratives. Dans certains cas, les cantons demandent déjà à ces groupes de passer à des caisses moins coûteuses, mais les réglementations varient considérablement d’une région à l’autre, rendant l’approche uniforme difficile à mettre en œuvre.
Une réforme qui divise la classe politique
La motion déposée par Marcel Dobler bénéficie d’un large soutien parmi les partis de droite, notamment l’UDC, le PLR et les Verts libéraux. Pourtant, si la réforme pourrait alléger le poids financier des primes pour l’État, elle suscite des critiques sur ses implications sociales. Les bénéficiaires de l’aide sociale et les demandeurs d’asile se trouvent souvent dans des situations de grande vulnérabilité. Limiter leur accès au libre choix du médecin pourrait entraver leur prise en charge médicale, surtout lorsque des besoins spécifiques, comme la traduction ou la proximité géographique, sont en jeu.
D’autres arguments soulignent que les économies avancées par Dobler pourraient être surestimées. En effet, certains cantons appliquent déjà des mesures incitatives pour que les bénéficiaires d’aides choisissent des modèles moins coûteux, mais les résultats varient fortement selon les réglementations locales. Par ailleurs, l’uniformisation des modèles d’assurance maladie pourrait s’avérer complexe à mettre en œuvre au niveau national.
Les modèles alternatifs : une solution ou un obstacle ?
Le libre choix du médecin est une valeur fondamentale du système de santé suisse, mais son application universelle semble désormais compromise. Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), 77 % des Suisses ont déjà adopté des modèles d’assurance maladie alternatifs en 2022, contre 58 % en 2012. Si ces modèles permettent des économies, ils impliquent également des contraintes, comme le recours à un médecin prédéterminé ou à des consultations téléphoniques.
Les partisans de la réforme affirment que ces contraintes, déjà acceptées par la majorité de la population, devraient aussi s’appliquer à ceux dont les primes d’assurance maladie sont financées par les pouvoirs publics. À l’inverse, ses détracteurs mettent en garde contre une précarisation supplémentaire de ces groupes déjà marginalisés. Certains cas spécifiques, comme les besoins en traduction ou les urgences, nécessiteraient des dérogations, un point que la motion n’aborde qu’en partie.