Suisse : Vers une tarification de la mobilité pour répondre aux embouteillages et trains surchargés

Le 24 novembre, les citoyens suisses ont rejeté plusieurs projets d'extensions autoroutières, stoppant un programme ambitieux de 18 milliards de francs. Ce refus, qualifié de « tournant historique » par certains, a ralenti net les plans d'élargissement d'infrastructures routières, mais fait émerger la tarification de la mobilité comme une alternative réaliste et potentiellement transformative.

Mais le rail n'est pas en meilleure posture. L'extension ferroviaire prévue pour 2035, censée augmenter de 20 % les places assises et fluidifier les cadences, a vu son coût presque doubler, atteignant désormais 30 milliards de francs. Les CFF doivent réexaminer tous leurs projets, menaçant de reporter des améliorations vitales pour des années. Ce double échec met en lumière une problématique de fond, à savoir l'incapacité des infrastructures suisses à absorber une mobilité croissante sans refonte de leur gestion.

Le pilotage des flux par les prix, une solution à envisager

Pour Thomas Sauter-Servaes, chercheur en mobilité, la solution réside dans l'optimisation des infrastructures existantes grâce à un pilotage par les prix. La tarification de la mobilité repose sur un principe simple, à savoir ajuster les coûts de déplacement en fonction des horaires. Aux heures de pointe, les prix augmenteraient pour inciter les usagers à se déplacer en dehors des périodes de saturation. Ce modèle vise à répartir la charge sur l'ensemble de la journée, rendant les infrastructures existantes plus efficaces sans nécessiter d'extensions coûteuses.

Outre une gestion plus efficace des flux, ce modèle pourrait intégrer les coûts environnementaux et sanitaires générés par le trafic, actuellement supportés par la collectivité. Selon l'Office fédéral du développement territorial, ces coûts s'élèvent à 21 milliards de francs par an pour le trafic automobile. Une approche fondée sur le principe pollueur-payeur permettrait également de compenser la baisse des revenus issus des taxes sur les huiles minérales, mise à mal par la transition vers les véhicules électriques.

Des exemples à l'international pour inspirer la Suisse

Des villes comme Stockholm, Londres ou Oslo démontrent que des tarifs dynamiques peuvent avoir des effets positifs. Ces systèmes ont permis de réduire les embouteillages, d'optimiser les temps de trajet et d'améliorer la qualité de vie urbaine. En Suède, une phase de test a suffi pour transformer un projet impopulaire en un modèle durablement adopté.

En Suisse, des tests pilotes similaires sont en cours d'évaluation, notamment à Genève et Frauenfeld. Parallèlement, les CFF expérimentent déjà des rabais ciblés, avec 25 000 billets dégriffés vendus chaque jour, incitant les usagers à éviter les trajets aux heures de forte affluence.

Des obstacles politiques et sociaux

La tarification de la mobilité suscite des tensions. Les partis bourgeois craignent une surcharge financière pour les automobilistes, tandis que la gauche insiste sur la nécessité de préserver une équité sociale. Cette dernière soulève des questions sur la manière d'éviter de pénaliser les travailleurs aux horaires fixes.

L'histoire montre cependant que l'opinion publique peut évoluer. À Stockholm, un péage urbain initialement rejeté a été adopté après une phase de test concluante. Ce précédent pourrait encourager la Suisse à expérimenter avant de décider.