La Suisse, tout comme de nombreux pays industrialisés, fait face à une baisse significative de son taux de natalité. Malgré l’introduction de plusieurs mesures politiques pour encourager les naissances, telles que des primes de naissance, des allégements fiscaux ou encore des subventions pour les crèches, ces dispositifs n’ont eu qu’un impact limité.
Le sociologue Gert Stulp, spécialiste des sciences sociales, met en lumière un phénomène clé qui explique en grande partie cette tendance : l’écart de fertilité. Ce phénomène, couplé avec une série de facteurs sociétaux et économiques, rend difficile l’inversion de cette tendance, malgré les efforts gouvernementaux.
L’écart de fertilité : une réalité qui freine la natalité en Suisse
L’écart de fertilité est un facteur central dans la baisse du taux de natalité en Suisse. Gert Stulp le définit comme la différence entre le nombre d’enfants que les gens souhaitent avoir et le nombre qu’ils finissent par avoir. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, les Suisses souhaitent en moyenne avoir 1,84 enfant, mais le nombre réel d’enfants par femme est de seulement 1,29. Cette différence est significative et repose principalement sur des choix de vie et des contraintes extérieures.
Les principales raisons de cet écart sont liées à l’âge de la maternité. Les individus, en particulier les femmes, tendent à retarder la maternité pour des raisons professionnelles, économiques et sociales. Il est de plus en plus courant que les couples attendent de disposer d’une situation stable – une carrière épanouissante, un logement approprié et des ressources suffisantes – avant de fonder une famille. Cependant, plus la parentalité est repoussée, moins il reste de temps pour avoir plusieurs enfants, ce qui réduit le nombre d’enfants par famille.
En effet, de plus en plus de personnes se trouvent dans une situation où, bien qu’elles souhaitent fonder une famille nombreuse, les circonstances les obligent à en avoir moins. Stulp précise dans une interview accordé à Watson que ce phénomène n’est pas unique à la Suisse, mais se manifeste à l’échelle mondiale, avec des effets similaires observés dans des pays aussi divers que la Scandinavie et l’Amérique du Nord, où les conditions de vie sont pourtant considérées comme favorables à la famille. L’écart de fertilité semble être un facteur commun à la majorité des sociétés modernes, ce qui rend les politiques natalistes traditionnelles, comme les primes de naissance ou les crédits d’impôt, relativement inefficaces.
Des politiques inefficaces : pourquoi les mesures ne suffisent pas
Depuis plusieurs années, la Suisse a mis en place des politiques pour encourager la natalité, telles que des aides financières pour les familles, la réduction des impôts pour les parents, ou encore des initiatives pour faciliter l’accès à la garde d’enfants. Pourtant, ces mesures ne permettent pas d’inverser la tendance. Selon Stulp, ces politiques visent souvent à encourager les gens à avoir un certain nombre d’enfants, mais elles échouent à aborder la véritable racine du problème : le moment où les gens décident de fonder une famille et les obstacles extérieurs qui retardent cette décision.
Des pays comme la Hongrie ou l’Italie ont tenté des approches telles que l’exemption fiscale pour les familles nombreuses, mais ces tentatives ont eu un effet très temporaire, voire nul, sur le taux de natalité. En Suisse, des études montrent que, même si les politiques de soutien aux familles sont efficaces à court terme, elles ne répondent pas aux véritables besoins des jeunes adultes. Stulp préconise des politiques qui aident les gens à fonder une famille plus tôt, en leur offrant un accès plus facile à un logement abordable et des emplois stables dès le début de leur vie professionnelle. Ces mesures permettraient de réduire le besoin de repousser la parentalité, en particulier pour les jeunes couples qui souhaitent avoir des enfants, mais qui sont contraints d’attendre en raison de la précarité économique ou de l’instabilité professionnelle.
Le sociologue souligne également que, malgré les efforts de certaines entreprises pour offrir des solutions comme le « social freezing » (la congélation d’ovocytes), cette approche ne résout qu’un aspect du problème. Elle peut offrir un soulagement à certaines femmes, mais n’est pas une solution à grande échelle. Le véritable problème réside dans la pression sociale et professionnelle qui conduit de nombreuses femmes à retarder leur projet parental, avec des conséquences directes sur leur fertilité.








