Après plus de dix ans d’enquête, la Commission de la concurrence (Comco) a annoncé la conclusion d’une vaste investigation concernant des pratiques anticoncurrentielles sur les marchés financiers suisses. Vingt banques ont été impliquées dans des ententes illégales visant à manipuler les marchés des dérivés sur les taux d’intérêt et des changes.
Ces ententes, qui remontent à la période 2005-2013, ont abouti à des amendes totalisant 237,5 millions de francs. La décision de la Comco marque la fin d’une enquête complexe, qui a mobilisé d’importants moyens pour analyser des millions de pages de communications confidentielles entre les traders.
Les détails des ententes entre banques
Les enquêtes menées par la Comco ont révélé un réseau complexe d’accords entre traders de différentes banques, qui ont conclu plus de vingt ententes distinctes entre 2005 et 2013. Ces accords, qui se sont souvent faits dans la plus grande discrétion, concernaient l’échange d’informations sensibles sur les stratégies de trading et les activités des concurrents. L’objectif de ces ententes était d’influencer les prix et de manipuler les marchés, notamment ceux des dérivés sur les taux d’intérêt et des devises. Les communications entre les traders étaient principalement réalisées via des forums professionnels privés, des services de messagerie instantanée, et parfois même par téléphone, facilitant ainsi la coordination des actions.
Les pratiques identifiées par la Comco ont eu un impact direct sur les volumes échangés quotidiennement sur ces marchés financiers. Selon le communiqué publié par l’autorité de la concurrence, certaines banques ont, par le biais de ces accords, eu recours à des sociétés de courtage interbancaires pour mettre en œuvre ces ententes, ce qui a encore complexifié les manœuvres. L’enquête a ainsi révélé des manœuvres visant à fausser la concurrence et à empêcher un fonctionnement transparent des marchés.
L’enquête, lancée en 2012, a nécessité une analyse minutieuse de plus de dix millions de pages de documents, y compris des échanges électroniques et téléphoniques entre traders et courtiers. Cette quantité impressionnante de données a rendu l’investigation particulièrement complexe et longue, s’étendant sur plusieurs années. À partir de 2016, la Comco a également négocié une série d’accords amiables, permettant de clore plusieurs des procédures ouvertes. Entre 2016 et 2024, 35 accords amiables ont été conclus, permettant de résoudre des enquêtes concernant des marchés de dérivés et des opérations sur les changes.
L’impact de la sanction et les leçons pour le secteur bancaire suisse
La sanction de 237,5 millions de francs infligée aux banques concernées a suscité des réactions dans le secteur financier. Cette amende d’une ampleur inédite montre que la Comco est prête à imposer des sanctions sévères pour garantir le respect des règles de la concurrence. Cependant, au-delà des amendes, cette affaire soulève des questions sur la transparence du secteur bancaire et sur les moyens de prévention des comportements anticoncurrentiels.
Les banques suisses, traditionnellement reconnues pour leur rigueur et leur conformité, devront désormais renforcer leurs mécanismes de contrôle internes pour éviter de nouvelles violations. L’impact de cette affaire pourrait aussi avoir des conséquences sur l’image du secteur bancaire suisse à l’échelle internationale, où la confiance et la réputation sont des éléments clés de la compétitivité. Alors que le secteur bancaire mondial se tourne de plus en plus vers des pratiques de gouvernance et de compliance renforcées, cette affaire met en évidence les risques liés à des pratiques de manipulation des marchés.
En outre, la Comco semble vouloir intensifier ses efforts de surveillance, avec une vigilance accrue sur les pratiques des banques et des courtiers. À l’avenir, les régulations devraient se renforcer pour prévenir toute collusion ou manipulation des marchés, avec un suivi plus rigoureux des comportements des traders et des institutions financières. Ces mesures visent à garantir une concurrence loyale et à restaurer la confiance des investisseurs, tant nationaux qu’internationaux.








