L’économie suisse enregistre depuis plusieurs mois une dynamique inédite de baisse des prix à la consommation. En novembre 2025, l’indice des prix a reculé pour le quatrième mois consécutif, une évolution rare qui interpelle économistes et décideurs.
Ce mouvement, bien qu’encore modéré, remet en question les leviers de politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS), confrontée à l’éventualité d’un retour à des taux d’intérêt négatifs. Dans un contexte international marqué par l’attentisme de la Banque centrale européenne, la décision à venir de la BNS pourrait avoir des répercussions durables.
Une inflation nulle et une consommation sous pression
Le recul de l’indice suisse des prix à la consommation s’est poursuivi en novembre, avec une baisse de 0,2 % par rapport au mois précédent, selon les données de l’Office fédéral de la statistique. Il s’agit du quatrième mois consécutif de diminution, après des reculs enregistrés en août, septembre et octobre. Depuis le mois de juillet, le cumul atteint ainsi -0,8 %, traduisant une tendance marquée de stabilisation, voire de légère désinflation.
Cette évolution résulte de facteurs sectoriels identifiables. Les prix ont baissé dans l’hôtellerie et les voyages organisés à l’étranger, deux secteurs sensibles à la demande touristique saisonnière. Parallèlement, les prix des voitures neuves et des légumes ont également enregistré une contraction. À l’inverse, certaines composantes comme les loyers, le mazout et le transport aérien sont en hausse, mais leur impact ne suffit pas à inverser la tendance globale. Résultat : pour le consommateur suisse, le panier moyen de biens et de services coûte aujourd’hui moins cher qu’il y a quatre mois.
À l’échelle annuelle, l’inflation est désormais nulle : les prix sont au même niveau que ceux enregistrés en novembre 2024. Cette stagnation prolonge un phénomène amorcé après la période de forte inflation post-pandémie, et elle traduit un équilibre fragile entre une croissance modérée et une consommation prudente. Loin d’être anecdotique, cette situation oblige les autorités monétaires à évaluer si cette baisse est conjoncturelle ou si elle préfigure une tendance plus profonde de déflation potentielle.
La BNS face à des arbitrages délicats
La Banque nationale suisse vise à maintenir l’inflation dans une fourchette cible de 0 à 2 %, considérée comme compatible avec une croissance économique saine. Dans ce cadre, une inflation négative, même modérée, peut être perçue comme un signal d’alarme. Elle peut inciter les consommateurs à différer leurs achats dans l’attente de prix plus bas, ce qui ralentit la demande intérieure. De même, les entreprises peuvent reporter leurs investissements, créant un cercle potentiellement déflationniste.
Martin Schlegel, président de la BNS, devra trancher dans les prochains jours sur la politique à suivre, alors que le taux directeur est actuellement maintenu à 0 %. Une baisse supplémentaire impliquerait un retour aux taux d’intérêt négatifs, mesure utilisée par la banque jusqu’à l’automne 2022. Si cette option permettrait de relancer une inflation atone, elle n’est pas sans effets secondaires : pénalisation de l’épargne, pressions sur le secteur bancaire, et perception négative de la part des ménages.
Les circonstances internationales offrent toutefois à la BNS une forme de marge stratégique. La Banque centrale européenne ne prévoit pas de modification de son propre taux directeur lors de sa réunion du 18 décembre, malgré une inflation de 2,2 % dans la zone euro, relate Watson. Une baisse du taux européen fragiliserait encore davantage l’euro face au franc suisse, rendant les importations moins chères et accentuant la baisse des prix en Suisse. Dans ce contexte, une politique monétaire inchangée de la BCE réduit les incitations à une réaction immédiate de la part de la BNS.
Pour Martin Schlegel, la probabilité d’un maintien du statu quo est donc élevée. La prudence reste de mise : si la baisse des prix se poursuit début 2026, une réévaluation s’imposera. Mais en l’état, la BNS semble opter pour une lecture temporaire de la situation, s’appuyant sur une stabilité relative du marché du travail et une absence de chute brutale de la consommation.








