Travailler plus de quarante ans devient la norme en Suisse. Avec une durée de vie professionnelle moyenne de 42,8 ans, la Confédération figure dans le top 5 européen.
Cette longévité ne reflète pas une surcharge de travail mais un marché de l’emploi inclusif, où les seniors restent actifs plus longtemps. L’enjeu dépasse les simples statistiques : il illustre une réalité économique stable et une organisation sociale capable d’intégrer durablement toutes les générations.
Une longévité portée par un marché de l’emploi inclusif et une économie robuste
Avec une durée moyenne de vie active de 42,8 ans, la Suisse surclasse la moyenne de l’Union européenne, établie à 37,2 ans en 2024 selon Eurostat. Elle est devancée uniquement par l’Islande (46,3 ans), les Pays-Bas (43,8 ans) et la Suède (43 ans). Cette performance s’appuie sur plusieurs éléments structurels et conjoncturels qui favorisent la présence prolongée des actifs sur le marché du travail.
La hausse du taux d’activité des seniors est l’un des moteurs de cette tendance. En dix ans, la proportion des Suisses âgés de 55 à 64 ans encore actifs a progressé de 6,1 points, atteignant 77,8 %. Ce chiffre dépasse largement celui observé en France, qui s’élève à 60,4 % pour la même tranche d’âge. Cette progression reflète une capacité à maintenir les travailleurs expérimentés dans le système productif grâce à des environnements professionnels adaptés, moins discriminants, et à une culture valorisant l’expérience.
Le cadre institutionnel y joue un rôle déterminant. En Suisse, comme dans d’autres pays nordiques, l’âge légal de départ à la retraite est relativement élevé et les mécanismes de départ anticipé sont moins généreux que dans d’autres régions européennes. À titre de comparaison, l’âge de la retraite est de 67 ans en Islande, contre 52 ans pour les hommes et 49 ans pour les femmes en Turquie, pays qui enregistre la durée de vie active la plus courte du continent (30,2 ans).
Cette dynamique est aussi soutenue par un marché de l’emploi dynamique, porté par une économie diversifiée. Les secteurs des services spécialisés, de la finance, de l’ingénierie ou encore de la santé génèrent une demande constante de profils qualifiés. La stabilité économique et l’innovation contribuent à créer un environnement favorable au maintien dans l’emploi, y compris pour les travailleurs vieillissants.
Une Europe à plusieurs vitesses face à la durée de la vie professionnelle
Si la tendance générale est à l’allongement de la vie active, l’Europe présente de fortes disparités régionales. Les pays du nord et de l’ouest affichent les durées de carrière les plus longues, alors que les pays du sud et de l’est présentent des chiffres plus bas, en lien avec des structures économiques et institutionnelles différentes.
Ainsi, aux côtés de la Suisse, les Pays-Bas (43,8 ans), la Suède (43 ans), le Danemark (42,5 ans) et la Norvège (41,2 ans) témoignent d’une forte intégration des seniors au marché du travail. Ces pays partagent des caractéristiques similaires : systèmes sociaux incitant au travail, économies solides, taux de chômage bas et faible discrimination liée à l’âge.
À l’inverse, la France (37,3 ans) ou la Belgique (35 ans) se situent juste au-dessus ou en-dessous de la moyenne européenne. Les pays d’Europe du Sud tels que l’Italie (32,8 ans), la Grèce (34,8 ans) ou l’Espagne (36,5 ans) affichent des durées encore plus courtes. Ces écarts peuvent être attribués à des taux de chômage structurellement plus élevés, une précarité plus marquée, ou des systèmes de retraite plus souples.
Dans les Balkans et en Europe du Sud-Est, les données sont souvent moins récentes mais confirment une tendance similaire. La Macédoine du Nord (31,5 ans) et le Monténégro (32,1 ans) sont loin derrière, avec des chiffres datant de 2018. Leur situation économique, marquée par des marchés de l’emploi moins développés, explique en partie ces écarts.
Selon Moritz Hess, professeur à l’Université des sciences appliquées de Niederrhein, « la demande des employeurs et la structure du marché du travail sont des facteurs clés », relate Blick. Il ajoute que la présence de politiques incitatives, d’une formation continue et d’un système de santé performant contribue également à prolonger l’activité.
L’OCDE anticipe d’ailleurs un allongement généralisé de la vie professionnelle sur le continent. D’ici 2060, l’âge moyen de départ à la retraite dans l’UE devrait atteindre 67 ans, voire plus dans certains pays.








