Depuis l’annonce de Donald Trump le 3 avril, les tensions douanières n’ont cessé de croître. Bruxelles a obtenu une réduction de moitié sur les droits de douane initialement envisagés, tandis que Berne, encore sans accord, risque de subir une taxation pouvant atteindre 31 %. Cette incertitude pèse lourdement sur l’économie helvétique, interdépendante des chaînes de valeur européennes.
Tandis que l’UE se prépare à absorber ce nouveau choc commercial, la Suisse pourrait se retrouver désavantagée ou indirectement pénalisée. Certaines branches industrielles redoutent déjà une baisse de la demande ou une détérioration de leur compétitivité.
Accord à 15 % : un compromis qui divise en Europe
L’accord entre l’Union européenne et les États-Unis, conclu à la mi-juillet, fixe à 15 % les droits de douane sur l’ensemble des produits européens exportés vers le marché américain. Cette décision fait suite à une menace initiale de 30 % lancée par Donald Trump. Ursula von der Leyen a salué un « bon accord » pour sa capacité à offrir une visibilité économique aux industriels.
Ce taux, bien que supérieur à celui de 10 % en vigueur jusqu’à présent, est perçu comme un moindre mal dans plusieurs capitales européennes. En Allemagne, où les exportations vers les États-Unis ont atteint 161,2 milliards de dollars en 2024 selon Eurostat, les autorités redoutent une réduction du produit intérieur brut. La Bundesbank a évoqué une contraction possible de 1 %, notamment dans le secteur automobile et la pharmacie, deux filières très exposées.
En Irlande, dont 25 % des exportations sont à destination des États-Unis, les effets pourraient être significatifs, d’autant que de nombreuses multinationales américaines comme Pfizer, Eli Lilly ou Apple y sont implantées. Le gouvernement irlandais s’inquiète pour la compétitivité de ces groupes, notamment dans le domaine pharmaceutique, qui ne bénéficiera d’aucune exemption.
Du côté de la France, les filières de l’agroalimentaire et du luxe sont en première ligne. LVMH, malgré une baisse de ses résultats semestriels, juge le taux de 15 % comme un bon compromis. L’Italie, également concernée dans ses secteurs viticole et alimentaire, devra ajuster ses prix pour maintenir ses positions. L’ensemble de l’Union européenne a exporté pour 235,6 milliards de dollars vers les États-Unis en 2024, un excédent commercial que Washington souhaite contenir, selon la RTS.
Une position fragile pour la Suisse
Alors que les discussions bilatérales entre Berne et Washington n’ont pas abouti, la Suisse reste exposée à un tarif pouvant grimper jusqu’à 31 %, comme évoqué en avril par Donald Trump. Pour l’heure, ses exportations vers les États-Unis sont taxées à hauteur de 10 %, mais ce taux pourrait être révisé brutalement le 1er août, en l’absence d’accord.
La balance commerciale est clairement déséquilibrée aux yeux de l’administration américaine. Les exportations suisses vers les États-Unis atteignent 63,4 milliards de francs, pour un déficit américain estimé à 38,5 milliards. Washington insiste donc pour rétablir ce qu’il considère comme une situation injuste.
À Berne, aucune réaction officielle n’a été enregistrée après l’accord européen, mais plusieurs observateurs estiment que Donald Trump considère les 15 % comme un seuil minimal. L’absence de négociation pourrait ainsi exposer la Suisse à un traitement moins favorable que celui accordé à l’Union européenne.
Répercussions déjà visibles pour l’industrie helvétique
Au-delà de l’application directe des droits de douane, les conséquences sont déjà perceptibles dans les chaînes de production. La Suisse fournit de nombreux composants utilisés dans des produits industriels européens destinés au marché américain. Ces produits étant désormais taxés à 15 %, la demande pour les composants suisses pourrait baisser, avertit l’association Swissmem, citée par Blick.
Selon la faîtière, l’industrie helvétique risque d’être pénalisée dans tous les cas : soit en subissant une taxe plus élevée que ses concurrents européens, soit en perdant des parts de marché du fait de la réduction de la demande européenne. Swissmem évoque une « nette détérioration » des perspectives économiques.
Pour Economiesuisse, l’accord entre Bruxelles et Washington représente un « accord de limitation des dégâts », loin d’être idéal mais préférable à un conflit commercial plus dur. En attendant une clarification de la part des autorités américaines, l’incertitude reste totale pour les exportateurs suisses.








