En Suisse, et plus particulièrement dans le canton de Fribourg, les inégalités économiques atteignent des niveaux inédits. Tandis qu’une minorité de contribuables s’enrichit, la grande majorité de la population voit sa part de la richesse collective reculer.
Ce déséquilibre alimente une précarisation croissante des classes moyenne et inférieure. Plusieurs experts alertent sur les conséquences économiques et sociales d’un tel déséquilibre.
Une richesse de plus en plus concentrée dans les mains d’une infime minorité
Selon une enquête publiée par Pierre Duffour, secrétaire général d’ATTAC Fribourg, et relaté par 20minutes, la concentration de la richesse en Suisse s’est nettement accentuée ces quinze dernières années. En 2021, 1 % des contribuables possédaient 42 % de la fortune nationale, contre 27,7 % en 2008. Cette progression spectaculaire se fait au détriment des autres couches de la population. La classe moyenne, définie comme celle dont la fortune se situe entre 50 000 francs et 1 million, représentait 36,8 % de la richesse nationale en 2007, contre 26,9 % en 2021. La classe inférieure, regroupant plus de la moitié des contribuables (52 %), ne détient plus que 1,2 % de la richesse.
Au total, les classes moyenne et populaire, soit 92,8 % des contribuables, se partagent seulement 28,1 % de la fortune nationale en 2021, contre près de 39 % en 2007. À Fribourg, cette dynamique se vérifie également : entre 2011 et 2021, le nombre de personnes disposant d’une fortune supérieure à 10 millions de francs est passé de 41 à 129. Ce petit groupe cumule désormais une fortune de 5,4 milliards de francs, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans.
Les répercussions sociales et économiques d’un écart grandissant
Cette polarisation des richesses ne reste pas sans conséquence. Sergio Rossi, professeur d’économie à l’Université de Fribourg, estime que les « super-riches » ont tiré profit des tensions géopolitiques mondiales, tandis que la majorité de la population en subit les contrecoups. Les revenus stagnent, le pouvoir d’achat s’érode, et les dépenses contraintes – loyers, primes d’assurance maladie, énergie – absorbent une part croissante des budgets des ménages modestes.
Selon Rossi, cette dynamique représente un « gros problème » pour l’économie suisse. La perte de pouvoir d’achat de la classe moyenne risque de fragiliser l’activité des petites et moyennes entreprises, dont beaucoup dépendent de la consommation intérieure. Cela pourrait entraîner une vague de restructurations et de licenciements. Par ailleurs, les finances publiques sont mises à mal : moins de recettes fiscales provenant de la consommation et des salaires, mais plus de dépenses sociales. Cette situation met en péril l’équilibre budgétaire et interroge la capacité de l’État à maintenir le niveau actuel des services publics.
L’analyse de Pierre Duffour, également juge assesseur au Tribunal de la Sarine, va dans le même sens : « Le fossé entre les riches et les autres n’a jamais été aussi grand depuis la Seconde Guerre mondiale ». Il appelle à une réflexion profonde sur le modèle fiscal suisse, accusé de favoriser les très riches au détriment de la majorité. À défaut de réformes, l’écart pourrait encore se creuser, affaiblissant durablement le tissu social et économique du pays.








