Loyers en hausse à Genève : 150 millions de francs de plus par an pour les locataires

En dix ans, les loyers genevois ont bondi de 150 millions de francs par an, une hausse marquée lors des changements de locataires.

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Loyers en hausse à Genève : 150 millions de francs de plus par an pour les locataires | Econostrum.info - Suisse

Une analyse menée par la RTS révèle que 40 % des logements ayant changé d’occupant entre 2015 et 2024 ont connu une hausse d’au moins 20 %. Pour un logement sur cinq, l’augmentation dépasse 50 %. En moyenne, les loyers des appartements concernés ont progressé de 18,5 %. Ces chiffres, obtenus grâce à l’étude des contrats de bail, soulignent l’importance des ajustements de prix pratiqués par les propriétaires lors des relocations.

La tension sur le marché locatif genevois ne date pas d’hier. Depuis 2000, le taux de vacance oscille entre 0,15 % et 0,53 %, un niveau bien en dessous du seuil estimé nécessaire pour stabiliser les loyers. Une étude de Wüest Partner, relayée par la Tribune de Genève, évalue le taux optimal à 1,27 % au niveau national et à environ 0,75 % pour Genève. Cette pénurie de logements limite la capacité des locataires à négocier les prix et renforce le pouvoir des bailleurs.

Des augmentations systématiques lors des relocations

L’enquête de la RTS montre que la hausse des loyers se concentre sur les appartements ayant changé de locataires. En une décennie, ces ajustements ont généré 150 millions de francs supplémentaires pour les propriétaires. La répartition de ces augmentations révèle une forte disparité. En effet, certains logements enregistrent des hausses modérées, tandis que d’autres connaissent des augmentations dépassant 50 %.

Diane Barbier-Mueller, députée PLR et administratrice de la régie Pilet & Renaud, a exprimé sa surprise face à ces statistiques, affirmant que de tels ajustements ne concernaient qu’un nombre limité d’appartements. Elle avance que ces logements étaient probablement sous-évalués. Pourtant, l’étude du média helvétique exclut les baux antérieurs à 2000, réduisant ainsi la pertinence de cet argument.

Le phénomène est en grande partie lié au déséquilibre entre l’offre et la demande. Avec un taux de vacance de 0,46 % en 2024, les locataires disposent de peu d’alternatives et doivent souvent accepter les augmentations imposées. Selon la Tribune de Genève, Genève est l’un des cantons où la pénurie est la plus marquée, rendant difficile toute régulation naturelle des loyers.

Des propriétaires institutionnels en quête de rendement

Les grands investisseurs jouent un rôle central dans la dynamique des hausses de loyer. Environ 20 % du parc locatif genevois appartient aux caisses de pension, qui doivent maximiser leurs revenus pour assurer le versement des rentes. Cette stratégie, qui consiste à augmenter les loyers pour sécuriser des rendements, alourdit la charge des jeunes locataires au bénéfice des retraités.

La société Investis illustre bien ce mécanisme. Selon la RTS, cette entreprise détient 2 000 logements à Genève et applique des hausses importantes lors des changements de locataires. Un exemple frappant concerne un immeuble acquis en 2002 sur la route des Acacias pour 2,65 millions de francs. Aujourd’hui, ce bâtiment génère 600 000 francs de loyers annuels et sa valeur a été multipliée par plus de cinq, atteignant 14,5 millions de francs. Cette forte valorisation repose en grande partie sur les loyers perçus.

Investis n’a pas souhaité commenter la question des rendements, se contentant d’affirmer que les ajustements pratiqués lors des relocations restaient « modérés » et conformes aux règles en vigueur. Swiss Life, également interrogée sur des pratiques similaires à Genève, avait donné une réponse comparable lorsqu’elle avait été mise en cause pour des hausses de loyer importantes dans un ensemble immobilier des Eaux-Vives.

Une contestation limitée dans un marché saturé

Face à ces augmentations, les recours restent rares. Selon la loi, un locataire dispose de 30 jours après la signature de son bail pour contester une hausse de loyer. Toutefois, dans un marché aussi tendu que celui de Genève, peu osent engager une procédure, de peur de perdre leur logement. Cette situation permet aux propriétaires d’imposer des augmentations sans réelle opposition.

Christian Dandrès, élu socialiste et avocat de l’Asloca, critique un système qui autorise des rendements nets de 3,5 % pour des placements jugés « sans risque ». La forte demande empêche toute régulation naturelle des loyers et limite la capacité des locataires à négocier. Tant que le taux de vacance restera aussi bas, ces pratiques devraient perdurer, avec des conséquences directes sur le coût de la vie à Genève.

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