Retraite anticipée : pourquoi les plus précaires passent à côté de ce dispositif

La Cour des comptes dénonce l’inadéquation entre le mécanisme de retraite anticipée pour carrière longue et les profils qui devraient en bénéficier en priorité.

Publié le
Lecture : 2 min
Document sur lequel on peut lire : retraite anticipée
Retraite anticipée : pourquoi les plus précaires passent à côté de ce dispositif | Econostrum.info

Le dispositif de départ anticipé à la retraite pour carrière longue, instauré en 2003, visait à permettre aux Français ayant commencé à travailler tôt, souvent dans des conditions difficiles, de partir deux ans avant l’âge légal. Mais selon le dernier rapport de la Cour des comptes, publié ce jeudi 10 avril, le système ne profite pas à ceux pour qui il a été pensé. Les travailleurs les plus modestes, pourtant les plus exposés à la pénibilité, sont largement sous-représentés parmi les bénéficiaires.

Le principe du dispositif est simple : permettre un départ anticipé à taux plein à ceux qui ont démarré leur carrière jeune, sous réserve d’un certain nombre de trimestres cotisés. En théorie, ce sont les salariés peu qualifiés, aux métiers pénibles, qui devraient en être les premiers bénéficiaires.

Mais la Cour constate que ce sont les retraités aux pensions les plus élevées qui partent en moyenne plus tôt que ceux aux pensions faibles. Seuls 13 % des départs anticipés pour carrière longue concernent les assurés du 1er au 4e décile de revenus. À l’inverse, les classes moyennes et supérieures (du 5e au 8e décile) concentrent l’essentiel des départs anticipés.

Des carrières hachées qui ferment l’accès à la retraite anticipée

L’explication réside dans les parcours professionnels fragmentés. Chômage, arrêts maladie, interruptions liées à la vie personnelle empêchent souvent les plus modestes de valider les trimestres nécessaires. Résultat : ces personnes, pourtant éligibles en apparence, ne remplissent pas les conditions requises.

Comme l’explique à Capital Carine Camby, présidente de chambre à la Cour des comptes, « il y a un décalage réel entre les bénéficiaires théoriques et les bénéficiaires effectifs ». Les interruptions dans la carrière ont un effet d’exclusion silencieuse.

Un manque d’information aux conséquences concrètes

Au-delà des critères administratifs, le déficit d’information constitue un autre obstacle. Selon Angélique Pelloux, présidente du cabinet Qualiretraite, « beaucoup d’assurés ignorent leur éligibilité ». Faute d’accompagnement, certains renoncent ou prennent des décisions — comme refuser un emploi en fin de carrière — qui compromettent l’accès au dispositif.

Dans certains cas, rester au chômage longue durée peut exclure définitivement d’un départ anticipé, même si quelques trimestres travaillés supplémentaires auraient suffi à valider les droits.

Vers une refonte plus équitable du système ?

La Cour des comptes recommande une meilleure communication auprès des assurés et un accompagnement renforcé dans les dernières années d’activité. Elle invite aussi à repenser les critères pour tenir compte des réalités de carrière des plus fragiles.

Sans réforme, le système risque de continuer à bénéficier majoritairement à ceux qui ont le moins besoin d’un départ anticipé, au détriment des plus vulnérables.

Laisser un commentaire

Partages