Pouvoir d’achat : les Français restent les plus pessimistes d’Europe

Alors que la perception du pouvoir d’achat s’améliore dans plusieurs pays européens, les Français restent les plus inquiets sur leur situation financière. Ce sentiment négatif semble s’ancrer durablement, malgré des indicateurs économiques plus favorables en 2024. La consommation étant un marqueur social fort, la frustration liée aux dépenses reste élevée. À cela s’ajoute le rôle majeur des grandes enseignes de distribution, qui influencent la perception du public en mettant en avant des promotions et des offres dites de « protection du consommateur ». Pourquoi ce décalage entre réalité économique et ressenti collectif ?

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Un caddie rempli de pièces, une calculatrices, des lunettes, image qui illustre le pouvoir d'achat
Pouvoir d'achat : les Français restent les plus pessimistes d’Europe | Econostrum.info

Malgré une progression du pouvoir d’achat en 2024, les Français continuent d’afficher un pessimisme marqué sur leur situation financière. Alors que leurs revenus réels augmentent, leur perception reste négative, contrastant avec le moral économique des autres Européens. Cette inquiétude persistante s’explique par des facteurs socioculturels et économiques profonds.

Selon l’Observatoire Cetelem, le sentiment général des Européens sur leur pouvoir d’achat s’améliore. En 2024, 39 % des Européens estiment avoir perdu du pouvoir d’achat au cours des 12 derniers mois, contre 48 % en 2023. Pourtant, les Français restent les plus pessimistes : 48 % d’entre eux déclarent ressentir une perte de pouvoir d’achat, soit 9 points de plus que la moyenne européenne.

Ce ressenti contraste pourtant avec les données économiques. D’après l’Insee, le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 2,1 % en 2024, une hausse deux fois plus rapide que la croissance économique. De plus, les revenus réels ont augmenté de 4 %, tandis que l’inflation a ralenti à 2 %.

Cette embellie a permis une augmentation significative de l’épargne, atteignant 18 % des revenus des ménages, un record en France. Pourtant, l’inquiétude des Français demeure. Ce paradoxe soulève la question d’un décalage entre la réalité économique et la perception du quotidien.

La consommation, un marqueur social qui alimente la frustration

En France, la consommation ne se limite pas à un acte économique : elle est aussi un marqueur social. Selon Benoît Heilbrunn, professeur de marketing à l’ESCP, l’achat de certains produits, comme les smartphones, les téléviseurs LED ou les produits alimentaires de marque, joue un rôle statutaire. Lorsque ces achats deviennent plus difficiles, un sentiment de déclassement peut émerger, rapporte BFMTV.

Ce phénomène explique le succès des enseignes discount comme Action, qui permettent d’accéder à des marques reconnues à prix réduits. En rendant ces biens accessibles, elles offrent aux consommateurs un moyen de préserver leur statut social malgré un contexte perçu comme difficile.

Par ailleurs, 84 % des Français déclarent avoir déjà ressenti de la frustration face à des achats qu’ils ne pouvaient pas se permettre, contre 67 % en moyenne en Europe. Cette statistique illustre un rapport plus conflictuel à la consommation, où l’acte d’achat est associé à une certaine réussite sociale.

Le rôle des enseignes de distribution et des médias

Un autre élément amplifie cette perception négative : le rôle des grandes enseignes de distribution dans le débat public. En France, des groupes comme E.Leclerc, Intermarché ou Carrefour ont une influence médiatique forte et s’adressent directement aux consommateurs.

Contrairement à d’autres pays, où les patrons de la grande distribution restent en retrait, les dirigeants français prennent régulièrement la parole pour dénoncer la hausse des prix et mettre en avant des promotions censées protéger les consommateurs. Ces interventions, bien que destinées à promouvoir leurs enseignes, finissent par façonner l’opinion publique en accentuant l’idée d’une dégradation continue du pouvoir d’achat.

Ce discours commercial omniprésent renforce le sentiment que les prix sont en hausse constante, même lorsque certaines baisses sont enregistrées. L’impact psychologique est fort : les consommateurs finissent par intégrer cette perception négative dans leur quotidien, renforçant le pessimisme ambiant.

Vers une amélioration du ressenti sur le pouvoir d’achat ?

Enfin, cette inquiétude structurelle ne date pas d’hier. La France a toujours affiché un pessimisme plus prononcé sur les questions économiques, en comparaison avec ses voisins européens. Cette tendance est alimentée par une histoire marquée par des crises sociales et politiques.

L’attachement des Français à un modèle social protecteur renforce également cette perception. Chaque ajustement économique, même mineur, est souvent perçu comme une menace pour le niveau de vie. Cette méfiance s’exprime aussi dans le rapport aux réformes économiques, souvent accueillies avec scepticisme et contestation.

Alors que les autres Européens semblent plus confiants dans leur avenir économique, la France reste en retrait, nourrissant un discours alarmiste qui alimente le sentiment de perte de pouvoir d’achat.

Si les données économiques montrent une amélioration réelle du pouvoir d’achat, la perception négative des Français ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Tant que la grande distribution continuera d’imposer un discours de crise permanente, et que le modèle social français sera perçu comme fragilisé, le pessimisme restera dominant.

Toutefois, si l’inflation continue de baisser et que les salaires suivent une dynamique positive, une amélioration progressive du moral des Français pourrait émerger. Mais pour cela, un changement dans la communication économique et une prise de recul sur les discours alarmistes seront nécessaires.

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