Alors que l’énergie s’impose une nouvelle fois comme un sujet inflammable pour les ménages, Matignon a enclenché un nouveau chantier : faire baisser le coût de l’électricité dès 2026. À la demande de Sébastien Lecornu, plusieurs ministres travaillent désormais à bâtir un plan de réduction des tarifs, mêlant fiscalité, transition écologique et souveraineté industrielle. Les pistes existent, mais leur financement reste la grande inconnue.
Mardi soir, l’entourage du Premier ministre a confirmé que Sébastien Lecornu avait demandé au ministre en charge de l’Économie et de l’Énergie d’élaborer « des scénarios de baisse du prix de l’électricité pour les Français ». Le message est clair : après des mois de tensions sur le budget, l’énergie rejoint la liste resserrée des « priorités absolues » de l’exécutif, aux côtés du déficit public, de la réforme de l’État, de l’agriculture et de la sécurité.
Invité ce mercredi matin sur France Inter, Roland Lescure a assuré : « quand le Premier ministre me demander de regarder quelque chose, je le fais (…) il y a certains amendements à regarder », sans pour autant avancer de chiffres. Le ministre insiste sur une approche de « long terme » et met en garde contre les « formules magiques ». Pour lui, le véritable enjeu est financier : « Le problème qu’on a, c’est comment on le finance (…) je suis le garant du cadre », rappelle-t-il, tout en soulignant la trajectoire imposée : déficit sous 5 % en 2026 et sous 3 % en 2029.
Parmi les leviers évoqués, la baisse des « accises » (une taxe payée par l’ensemble des consommateurs) apparaît comme la piste la plus immédiate. Une mesure jugée logique par plusieurs experts, la fiscalité représentant aujourd’hui près d’un tiers du montant total des factures.
Vers une baisse de 10% des prix de l’électricité ?
Le ministre chargé du Pouvoir d’achat, Serge Papin, s’est montré plus offensif, affirmant que le Premier ministre faisait du « prix de l’énergie une priorité » et estimant souhaitable une réduction d’environ 10 %. « J’y suis favorable (…) Il faut qu’il y ait un pourcentage (de baisse) significatif », a-t-il déclaré.
Un objectif soutenu également par la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, pour qui cette démarche doit permettre « que les Français payent un peu moins cher », dans un cadre global en cours de construction.
Derrière cette volonté politique se dessine un raisonnement stratégique : la France veut accélérer l’électrification de son économie (véhicules électriques, pompes à chaleur, industrie bas carbone) mais la fiscalité actuelle freine cet élan. Comme le souligne l’économiste Nicolas Goldberg, « l’électricité est un nid à taxes », rappelant que « sur un euro payé, il y a 30 centimes de taxe ». Il estime que la hausse de 2024 sur ces mêmes taxes fut « une bêtise » envoyant un « signal politique terrible ».
Le paradoxe est d’autant plus visible que la France bénéficie d’une électricité structurellement moins chère que ses voisins : « on est à 90 euros du mégawatt en Allemagne contre 50 euros du mégawatt chez nous », souligne le consultant. Une compétitivité qui pourrait être davantage valorisée par un allégement fiscal.
Au-delà des taxes, certains experts, dont Yves Marignac, appellent à réorienter une partie des investissements vers les énergies renouvelables, qui seraient « beaucoup plus compétitives » et capables de fournir de nouvelles capacités « à plus court terme » que les futurs réacteurs nucléaires, dont la construction pèsera « pendant 15 ans à la collectivité ».
Matignon promet un « grand plan écologique de décarbonation de l’électricité et de l’énergie », mêlant pouvoir d’achat, souveraineté et transformation industrielle. Les mesures définitives, attendues avant Noël, devraient être intégrées dans les débats budgétaires encore très incertains au Parlement.








