PFAS : Une interdiction française à haut risque pour l’industrie et l’économie

Publié le
Lecture : 3 min
une photo d'une usine avec de la fumée pour évoquer la pollution aux PFAS
PFAS : Une interdiction française à haut risque pour l’industrie et l’économie | Econostrum.info

Le Parlement français avance sur une proposition de loi interdisant les PFAS, des substances omniprésentes dans l’industrie. Derrière cette décision, la volonté affichée de protéger la population et l’environnement contre ces polluants persistants. Mais en pratique, cette interdiction soulève de nombreuses incertitudes économiques et industrielles. En anticipant la régulation européenne et en adoptant une posture plus stricte, la France prend-elle un risque démesuré ?

Introduction

Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont devenues incontournables dans des secteurs stratégiques tels que l’aéronautique, l’électronique, le textile et le médical. Recherchées pour leur résistance chimique, thermique et leur imperméabilité, elles sont aussi accusées de contamination durable des écosystèmes et d’impacts sanitaires.

Le législateur français a décidé d’accélérer le calendrier par rapport aux discussions européennes et d’adopter une interdiction rapide et large. En février 2024, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale, validée en avril et modifiée par le Sénat en mai. Une deuxième lecture est prévue en février 2025 pour finaliser le texte. L’interdiction concernerait plusieurs produits dès 2026 et serait généralisée d’ici 2030, sauf pour quelques exceptions.

Une telle intervention législative unilatérale pose cependant de nombreux problèmes économiques. L’industrie française, déjà fragilisée par la concurrence internationale et les réglementations environnementales renforcées, craint un choc concurrentiel et des pertes d’emplois considérables.

Les PFAS : des usages industriels irremplaçables à court terme

La famille des PFAS regroupe plusieurs milliers de composés (entre 4.000 et 10.000 selon les définitions), utilisés pour leurs propriétés uniques. Contrairement à une perception souvent simplifiée, tous ces composés ne présentent pas le même degré de toxicité ou de persistance. Certains, comme le PFOA et le PFOS, ont déjà été strictement réglementés ou interdits en Europe. D’autres, comme les polymères fluorés utilisés dans l’aéronautique ou les semi-conducteurs, n’ont pas d’alternatives viables à court terme.

Les industries françaises dépendent de ces substances pour de nombreux produits techniques et stratégiques. L’aéronautique, qui représente 300 000 emplois en France, utilise ces matériaux dans les revêtements anti-corrosion, les joints et les lubrifiants essentiels à la sécurité des appareils. L’industrie électronique, secteur clé pour l’autonomie technologique, a besoin de PFAS ultra-purs dans la fabrication des semi-conducteurs. Dans le médical, ces substances permettent la conception de prothèses, cathéters et implants de haute précision.

L’industrie textile, évaluée à 4,2 milliards d’euros en France, est un autre secteur qui risque de souffrir d’une interdiction totale. Les membranes imperméabilisantes et anti-taches utilisées dans les vêtements professionnels, les équipements militaires ou les tenues de protection reposent en grande partie sur les PFAS. Aucune alternative existante ne permet de garantir les mêmes performances, ce qui laisse présager une perte de compétitivité des fabricants français au profit des produits importés, où la réglementation est souvent plus souple.
Un coup dur pour l’économie et la souveraineté industrielle

L’interdiction rapide des PFAS place les industriels français dans une situation compliquée. La perte de compétitivité face aux acteurs américains et asiatiques, qui ne subissent pas de restrictions similaires, pourrait engendrer une vague de délocalisations et des fermetures de sites.
L’industrie chimique, acteur majeur de l’économie française, alerte sur des investissements menacés et des pertes d’emplois. L’usine Daikin Chemical France, située à Pierre-Bénite, produit notamment des composés perfluorés pour le marché automobile et pourrait être directement mise en difficulté par cette interdiction. L’incertitude réglementaire freine également les investissements dans la recherche de solutions alternatives, faute d’un cadre de transition clair.

L’impact se fera sentir jusqu’au niveau européen. Alors que la Commission européenne étudie une réglementation progressive, alignée sur le règlement REACH, la France précipite la transition sans attendre une concertation plus large. Anticiper cette réglementation pourrait pénaliser les industriels français, les contraignant à adapter leurs processus plus tôt et à des coûts plus élevés que leurs homologues européens.

Une réglementation qui favorise les importations et fragilise l’industrie

L’absence d’un cadre harmonisé pose aussi un risque stratégique : la France pourrait devenir dépendante des importations pour des produits clés qui ne peuvent être fabriqués sans PFAS. Les États-Unis, où la régulation est plus souple, poursuivent leurs recherches pour développer des alternatives sans interdire totalement ces substances. La Chine, premier producteur mondial de PFAS, ne prévoit aucune restriction immédiate et pourrait capturer des parts de marché laissées vacantes par les fabricants européens contraints de cesser leur production.
Ce déséquilibre réglementaire risque d’encourager un transfert de production vers des pays moins regardants, aggravant paradoxalement le bilan environnemental global. En imposant une interdiction sans alternative immédiate, la France risque d’alourdir son empreinte carbone en important des produits fabriqués selon des standards environnementaux inférieurs.

Une opposition croissante au sein des milieux industriels

Les fédérations professionnelles et les acteurs industriels s’organisent pour alerter le gouvernement sur les conséquences économiques et stratégiques d’une interdiction précipitée. Le Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic) plaide pour une réglementation différenciée, distinguant les PFAS réellement dangereux de ceux qui sont indispensables à l’industrie moderne.
Le Groupe d’Études du Sénat sur l’Industrie a souligné, lors de ses auditions, la nécessité d’une approche plus pragmatique, proposant des exemptions pour les secteurs stratégiques et une période de transition étendue.
L’interdiction des PFAS en France pose un véritable dilemme entre enjeux sanitaires et préservation du tissu industriel. Si la réduction de leur usage est une priorité environnementale, l’approche choisie par le législateur français fragilise considérablement l’industrie en imposant un calendrier inadapté aux réalités économiques.

Laisser un commentaire

Partages