Aider les capitaines d’industrie à financer leurs projets n’est pas sans risque, surtout dans les domaines innovants où les retours sur investissements ne s’apprécient souvent qu’à long terme. Quand les autres solutions font défaut, les OCABSA sont le dernier recours. Au-delà des limites connues de ces solutions, un risque avéré persiste pour des business-plans réalistes et « disruptifs » : celui de réussir.
Le financement des entreprises en fonds propres a fait ses preuves aux Etats-Unis avant d’être « importé » en France au milieu des années 2000. Ce mécanisme – également appelé OCABSA (Obligations Convertibles en Actions avec bons de souscription d’Actions) – permet à une société cotée de sécuriser un financement en euros sous la forme d’obligations convertibles au profit d’un investisseur, généralement mobilisable en plusieurs tranches ; ces obligations étant converties en actions, sur la base du cours de bourse faiblement décoté. L’absence de taux d’intérêt sur l’obligation convertible est également bénéfique à la trésorerie de l’entreprise. La maturité des obligations convertibles est en général assez courte (moins de 3 ans), et le prix d’exercice des bons de souscription supérieur à la valeur de l’action au moment de l’émission, ce qui favorise l’alignement des intérêts. C’est surtout un produit financier efficace pour lever rapidement des fonds et permettre aux entreprises cotées d’accéder à un financement qui leur est par ailleurs souvent difficile (voire impossible) à trouver auprès du système bancaire classique, notamment dans les secteurs de la medtech ou de la biotech, où les besoins en fonds de roulement et R&D sont indispensables au développement des entreprises.
En France, ABO (Alpha Blue Ocean) est l’un des grands spécialistes de ce type de financement. La société – créée en 2017 par Pierre Vannineuse et Hugo Pingray – est un family office affichant pour ambition, dès le départ, de « révolutionner l’industrie financière ». En ce sens, ABO compte déjà à son actif de belles success-stories, en étant notamment à l’origine du retournement et du développement d’entreprises innovantes cotées comme Erytech, Europlasma, Wisekey, Intrasense, entre autres. « Nous sommes des entrepreneurs au service d’autres entrepreneurs », explique Pierre Vannineuse : « En tant que family office, nous investissons nos propres fonds pour les mettre au service de l’économie réelle. Nous proposons à des ETI cotées, délaissées par le système bancaire traditionnel, des solutions de financement innovantes qui leur permettent de mener à bien leurs projets ». À commencer par les start-ups comme Neovacs, qui développe des produits comme le Kinoïde (breveté jusqu’en 2040) pour le traitement du lupus et de l’asthme, et qui investit elle-même dans des starts-up en biotech et medtech. En septembre 2021, cette société lève ainsi 50 millions d’euros en OCABSA grâce à ABO, ce qui lui permet de clore son plan de redressement avec huit ans d’avance. Cette levée de fonds a par ailleurs provoqué une hausse spectaculaire du cours de son action sur Euronext Growth.
Une solution de financement souple et rapide
L’intérêt de ce type de financement s’explique en grande partie par la souplesse et la rapidité de sa mise en place. Deux qualités qui font souvent défaut dans la recherche de crédits traditionnels, notamment quand il s’agit de financer le BFR ou une acquisition. Souplesse des OCABSA, car les tirages sont réalisés par l’émetteur selon ses besoins ; et rapidité d’exécution, puisque le programme de tirage peut être mis en place en quelques jours si l’émetteur dispose des autorisations adéquates. « C’est un outil de financement en vogue souvent très utile », confirme Laurent Beauvoit, avocat associé chez Lexelians : « Il faut également souligner que les sociétés qui recourent à ces financements n’ont le plus souvent plus accès au crédit bancaire du fait de leur situation financière dégradée, et qu’une offre au public ou un placement privé serait compliqué et au mieux affecté d’une décote très significative. Il ne faut pas oublier que plusieurs sociétés cotées ont évité la faillite grâce à cet outil ».
Une solution exigeant cependant une expertise, car ce mode de financement « comporte des risques, notamment pour les actionnaires et les investisseurs », comme le signale l’AMF, notamment à cause de l’effet dilutif. D’autant que l’investisseur, qui n’a pas vocation à rester au capital de la société, doit bien à un moment revendre les actions sur le marché. Le régulateur des marchés boursiers se préoccupe aussi du « phénomène d’accoutumance » chez certaines entreprises qui ne parviennent plus à se financer autrement. Un argument paradoxal, car l’impossibilité pour les entreprises de trouver des financements ailleurs justifie en soi le risque !
Et puis : le risque, c’est aussi… que ça réussisse ! En témoigne notamment le cas des catamarans Catana, une entreprise avec près de 500 salariés, qui après avoir reçu un financement d’urgence par OCABSA grâce à ABO, a pu poursuivre son développement et devenir leader de son secteur… alors que sa survie était en jeu. Selon la même logique, et grâce également à l’appui de son partenaire financier ABO, la Douaisienne de Basse Tension (DBT) n’existerait sans doute plus à ce jour. Cette société est pourtant pionnière dans les bornes de recharge pour véhicules électriques dans l’Hexagone, mais sur un marché qui n’était pas encore assez mûr, elle s’est retrouvée financièrement « à sec » au tournant des années 2020 après de gros efforts d’investissement pour intégrer les compétences et technologies nécessaires à son développement. « Or, quand vous êtes une PME qui traverse trois ans « dans le rouge », il n’y a plus aucune banque pour vous soutenir », commente le PDG Alexandre Borgoltz : « Nous avons donc été conduits à chercher des financements alternatifs. Et c’est ainsi que nous avons eu recours aux OCABSA ».
Les risques pris par l’entreprise sont partagés par le partenaire financier
Afin de mettre en œuvre cette solution de financement qui apparaissait comme celle de la « dernière chance, », Alexandre Borgoltz a sélectionné ABO après un examen attentif du marché, car « à la différence d’autres investisseurs, ABO ne fait pas d’ingérence », explique le PDG de DBT : « Notre partenaire financier s’intéresse évidemment aux bilans comptables, puisque nous sommes dans une véritable logique de partage des risques, mais il ne s’implique pas dans le pilotage au quotidien de l’entreprise. Par ailleurs, le processus de levée de fonds a été très rapide et flexible avec ABO, puisqu’il a suffi d’à peine plus d’un mois pour débloquer la situation ».
Le cas d’Europlasma est tout aussi emblématique, puisque le groupe français (aujourd’hui l’un des grands fleurons mondiaux du traitement de déchets dangereux) n’a pu se sortir avec succès d’une procédure de redressement judiciaire et sauvegarder 116 emplois qu’en ayant recours aux OCABSA. « Quand nous avons repris Europlasma, nous savions que, pendant un certain nombre d’années, nous serions dans l’impossibilité de nous financer de manière classique, via des financements bancaires par exemple », rappelle Jérôme Garnache, PDG d’Europlasma : « Nous savions aussi que, même en étant dans un secteur ayant le vent dans le dos – la décarbonation, la dépollution, les certificats CO2, etc…–, les fonds d’investissement ayant vocation à financer ce genre d’entreprises allaient eux-mêmes être averses à cette forme de risque. Il faut bien se rendre compte qu’au moment de la reprise, Europlasma était en très mauvaise posture. Toutes nos sociétés, à Morcenx ou à Tarbes, sont passées par un redressement judiciaire. Si bien que nous n’avons pas eu d’autres options que de nous financer de manière moins classique, grâce aux OCABSA ».
Un choix de financement qui nécessite certes un effort pédagogique auprès des actionnaires afin de bien comprendre notamment que les risques pris par l’entreprise sont partagés par le partenaire financier. « Nous nous substituons aux banques pour proposer à des sociétés cotées des solutions de financement qui vont répondre à leurs besoins », ajoute Pierre Vannineuse : « Nous finançons des projets entrepreneuriaux risqués que plus personne ne veut supporter. Nous y croyons et nous nous inscrivons dès lors dans la durée et dans l’accompagnement de ces projets ». C’est dans ces dimensions d’accompagnement et de partage des risques qu’il faut comprendre le véritable sens du « partenariat » financier, comme dans la prise en compte de l’économie réelle, aux antipodes des reproches qui peuvent être faits au système financier classique. Car, au-delà de la poursuite de l’activité pour la société, c’est également le maintien de centaines d'emplois locaux qui est en jeu. Et c’est aussi l’une des vertus souvent méconnues des OCABSA !
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