La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a annoncé le 16 février, lors d’une entrevue avec la Tribune Dimanche, vouloir « ajuster » la loi Egalim, destinée à assurer une meilleure rémunération des agriculteurs.
Cette nouvelle réforme viserait à étendre la protection des prix aux matières premières industrielles, en plus des produits agricoles. Un projet de loi pourrait être présenté d’ici l’été 2025, alors que des divergences persistent entre les acteurs du secteur.
Une évolution pour mieux encadrer les prix
Adoptée en octobre 2021, la loi Egalim 2 oblige les industriels et la grande distribution à prendre en compte le coût de production des matières premières agricoles dans leurs négociations. Si le prix du lait augmente pour l’éleveur, l’industriel et le supermarché doivent répercuter cette hausse sans pression excessive sur les producteurs.
Toutefois, un rapport parlementaire publié le 11 février 2025 souligne les limites du dispositif. La forte volatilité des prix entre 2022 et 2024 et le manque de transparence sur les marges des acteurs compliquent l’évaluation des effets de la loi. En réponse, Annie Genevard propose désormais d’intégrer les matières premières industrielles, comme l’énergie, le transport ou les emballages, dans les coûts sanctuarisés.
Des mesures qui divisent les acteurs économiques
L’idée de protéger aussi les matières premières industrielles ne fait pas l’unanimité. Les fédérations agricoles et la majorité des industriels y sont favorables, arguant que cela garantirait une plus grande stabilité des prix et éviterait que les agriculteurs ne subissent seuls les hausses de coûts.
À l’inverse, la grande distribution s’inquiète des conséquences sur les prix de vente. Certains distributeurs dénoncent une mesure inflationniste, qui limiterait leurs marges de négociation et pourrait se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs.
Le seuil de revente à perte prolongé ?
Une autre mesure discutée concerne le seuil de revente à perte (SRP +10), qui oblige les supermarchés à appliquer une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires. Introduite en 2019 par la première version de la loi Egalim, cette disposition devait prendre fin le 15 avril 2025, mais Annie Genevard souhaite la prolonger.
Les agriculteurs et les industriels plaident pour son maintien, affirmant qu’il protège les prix agricoles face aux pressions de la grande distribution. Cependant, les enseignes de la grande distribution dénoncent un mécanisme inefficace, estimant qu’il n’a pas permis de garantir des prix plus justes aux producteurs tout en contribuant à l’inflation.
Vers une réforme de la loi Egalim d’ici l’été 2025 ?
Un autre point sensible concerne le calendrier des négociations commerciales. Aujourd’hui, la date butoir pour finaliser les accords entre distributeurs et industriels est fixée au 1ᵉʳ mars. Les grandes surfaces souhaitent supprimer cette limite pour négocier en continu, tandis que les producteurs s’y opposent, craignant que cela ne fragilise les plus petits acteurs face aux grandes enseignes.
Les parlementaires proposent un compromis, en réduisant la durée des négociations plutôt que d’enlever complètement cette date butoir. L’issue des négociations en 2025 influencera directement les ajustements de la loi Egalim.
Annie Genevard a assuré à nos confrères de la Tribune Dimanche que les discussions en cours guideront les contours du projet de loi, qui pourrait être présenté avant l’été. Mais cette réforme est loin de faire consensus. Si les agriculteurs espèrent un meilleur encadrement des prix, les distributeurs demandent plus de stabilité réglementaire pour éviter des hausses de coûts qui impacteraient les consommateurs.
Les prochains mois seront donc décisifs pour cette nouvelle version de la loi Egalim, qui devra trouver un équilibre entre protection des producteurs et maintien du pouvoir d’achat des Français.
Le consommateur achètera systématiquement les produits les moins chers. La concurrence est mondiale.