Adoptée par le Sénat, la loi d’orientation agricole vise à garantir l’avenir du secteur en France. Ce texte, qui a déjà connu plusieurs rebondissements, divise profondément les acteurs politiques et agricoles. Entre mesures pour les exploitants et reculs sur l’écologie, il continue d’alimenter le débat.
Présenté sous le gouvernement Attal, ce projet de loi avait pour objectif initial de répondre aux revendications des agriculteurs, dont la colère avait explosé début 2024 lors du Salon de l’agriculture. Son ambition affichée est de renforcer la souveraineté agricole et alimentaire, tout en facilitant le renouvellement des générations et la transition agroécologique.
Après des retards liés aux événements politiques de l’année, notamment la dissolution de l’Assemblée nationale et la censure du gouvernement Barnier, le texte a finalement été adopté au Sénat. Il a reçu 218 votes favorables contre 107 oppositions. Prochaine étape : une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs devra finaliser la version définitive avant une adoption prévue avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture 2025.
Des changements majeurs apportés par le Sénat
La version adoptée par le Sénat diffère sensiblement de celle présentée par le gouvernement. L’agriculture a été déclarée « d’intérêt général majeur », et la souveraineté alimentaire est désormais un « intérêt fondamental de la Nation ». Une notion de « non-régression de la souveraineté alimentaire » a été introduite, calquée sur le principe de non-régression environnementale déjà inscrit dans la loi.
Le Sénat a également modifié le texte en remplaçant la notion de « transition écologique » par celle d’ »adaptation », un choix qui allège certaines contraintes environnementales pesant sur les agriculteurs. Une autre mesure controversée a été adoptée : le principe de « pas d’interdiction sans solution », qui empêche toute interdiction d’un produit phytosanitaire sans alternative viable, ce qui pourrait freiner les restrictions sur certains pesticides.
Par ailleurs, la dépénalisation de certaines atteintes à l’environnement a été votée. Désormais, une infraction ne pourra être sanctionnée que si elle a été commise intentionnellement, un changement qui inquiète les défenseurs de l’environnement.
Un plan pour assurer le renouvellement des générations
Le texte vise également à assurer le renouvellement des exploitants agricoles. Il fixe un objectif de 400 000 exploitations agricoles et 500 000 agriculteurs d’ici 2035. Pour y parvenir, il prévoit la création d’un diplôme « bachelor agro » de niveau bac+3 afin de mieux former les futurs exploitants.
Un guichet unique départemental devrait également être mis en place pour accompagner les agriculteurs dans la reprise d’une exploitation. Toutefois, certaines mesures ont été supprimées par le Sénat, notamment l’obligation d’un stage de sensibilisation aux enjeux environnementaux et le diagnostic modulaire censé aider les jeunes agriculteurs à s’installer.
La loi d’orientation agricole critiquée par la gauche et les écologistes
Les oppositions, notamment la gauche et les écologistes, dénoncent un texte trop favorable aux intérêts agricoles au détriment de l’environnement. Le sénateur Jean-Claude Tissot (Parti socialiste) qualifie cette loi de « texte ultralibéral, à la limite de l’obscurantisme », rapporte Capital.
Des associations et ONG, dont Greenpeace et la Fondation pour la Nature et l’Homme, alertent sur l’abandon de toute ambition environnementale dans cette loi. Elles dénoncent un affaiblissement des réglementations écologiques et une montée en puissance des revendications des syndicats agricoles les plus conservateurs.
Du côté du gouvernement, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a exprimé son mécontentement face aux modifications apportées par le Sénat. Un bras de fer s’annonce lors de la commission mixte paritaire, où les débats risquent d’être houleux avant l’adoption définitive du texte.
La loi d’orientation agricole répond à une partie des attentes des exploitants, mais elle suscite un vif débat sur l’équilibre entre soutien à l’agriculture et protection de l’environnement. Si elle est promulguée avant le Salon de l’Agriculture, sa version finale dépendra des discussions entre députés et sénateurs. En attendant, les tensions restent vives entre les défenseurs d’une agriculture plus compétitive et ceux qui dénoncent un recul environnemental.