Dans son récent rapport pour la Commission européenne, l’ancien Premier ministre italien et ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi présente des données alarmantes : les prix du gaz dans l’UE seraient quatre à cinq fois plus élevés qu’aux États-Unis, ceux de l’électricité deux à trois fois… Ce sont là les conséquences de la guerre en Ukraine. Depuis qu’elle a débuté, les Européens ont pris une série de sanctions visant à couper leur industrie du gaz russe bon marché. Conséquence, pour ne prendre que cet exemple, le groupe chimique allemand BASF est en pleine crise. Certes les prix du gaz ont baissé depuis leur pic de 2022, mais ils restent nettement plus élevés que leur moyenne des années 2010. Pour espérer restaurer sa compétitivité, BASF a donc dévoilé ces derniers mois plusieurs plans de restructuration, assortis de milliers de suppressions de postes notamment sur son site historique de Ludwigshafen (ouest), plus grand site chimique du monde.
Selon le Figaro, « les importations de gaz en provenance de la Russie ont chuté de 45 % en 2021 à moins de 15 % aujourd’hui » (LIEN : https://www.lefigaro.fr/international/a-la-grande-joie-de-moscou-l-europe-peine-encore-a-se-passer-du-gaz-naturel-liquefie-russe-20240913) Deux des quatre gazoducs qui alimentaient l’Europe en gaz russe sont désormais coupés : Nord Stream (via la Mer Baltique) et Yamal (via la Pologne). Seuls subsistent Brotherhood (via l’Ukraine), mais il fonctionne au ralenti, et Turk Stream (via la Turquie).
Les mesures prises par l’UE contre le pétrole brut importé de Russie par voie maritime ont été encore plus radicales. En décrétant un embargo complet, l’UE a en effet renoncé à 90% des volumes de pétrole russe qu’elle importait avant la guerre (seules les importations par oléoduc ont été maintenues). (LIEN : https://www.transitionsenergies.com/embargo-petrole-russe-bilan-nuance/) Afin d’affaiblir l’économie russe pour rendre sa guerre contre l’Ukraine plus difficile à financer, l’UE est allée jusqu’à décréter un plafonnement du prix du pétrole russe à 60$ le baril. Une sanction sensée être appliquée par le monde entier. Pour rendre cette sanction opérante, elle a été assortie de l’interdiction faite aux assureurs occidentaux (clubs P&I) d’assurer les pétroliers transportant du pétrole russe vendu à un prix supérieur au plafond. Le mécanisme n’a cependant pas aussi bien fonctionné que prévu. Son introduction n’a pas empêché le transport de pétrole brut de se poursuive, notamment vers la Chine et l’Inde, qui s’effectue simplement désormais sans couverture occidentale de qualité.
L’assurance P&I (Protection and Indemnity) est une forme d’assurance contre la responsabilité du propriétaire du navire et de l’affréteur. L’objectif principal de l’assurance P&I est de compenser les pertes éventuelles en cas de dommages causés à un tiers. Elle est régie par le droit international et, en particulier, par la Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. La fourniture d’une couverture d’assurance pour la responsabilité en cas de pollution du milieu marin revêt donc une grande importance pour l’ensemble du monde et est considérée comme obligatoire par le droit international.
Le retrait du marché des grands assureurs établis n’a pas stoppé le flux des exportations de pétrole par voie maritime, mais il a conduit à la multiplication de fausses assurances proposées par des assureurs jusqu’alors inconnus ou même de faux clubs P&I tels que le Pacific Maritime Club et l’East of England P&I Association.
Il est désormais à craindre que l’ensemble du marché soit abandonné à ces nouvelles compagnies d’assurances faiblement capitalisées, quand il ne s’agit pas de simples coquilles vides… Le Royaume-Unis qui avait déjà pris en juin des sanctions contre Ingosstrakh, le plus ancien assureur de risques maritimes, vient en effet d’ajouter à la liste des entreprises sanctionnées les grandes compagnies d’assurance russes Alfastrakhovanie et VSK. Bien que motivée par des principes louables, cette décision apparaît paradoxale dans ses effets, puisqu’elle n’entrave pas le développement de la flotte clandestine russe, mais laisse sans protection les intérêts de ceux qui pourraient souffrir de ses opérations – personne ne pourra couvrir les risques d’accidents non assurés. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que les sanctions occidentales se révèlent mal calibrées. Alors que la guerre en Ukraine s’intensifie et semble entrer dans une nouvelle phase, il est urgent de repenser nos modes d’action pour les rendre plus efficaces, tout en évitant les « effets boomerang ».
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