Le collectif Revers de la médaille dénonce l’expulsion de 12 545 personnes parmi les populations les plus précarisées entre avril 2023 et mai 2024, en Île-de-France. Une opération « nettoyage social » imputée par le collectif en grande partie à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP).
Dans un rapport inter-associatif, publié lundi 3 juin et intitulé « Un an de nettoyage social avant les JOP 2024 », le collectif d’associations Revers de la médaille dénonce la singulière multiplication des expulsions des populations les plus précaires, enregistrées en Île-de-France en vue des Jeux olympiques de Paris 2024, annoncés sous tension sociale.
Ces expulsions, note le rapport, ont concerné, durant la période d’avril 2023 à mai 2024, 12 545 personnes, soit une augmentation de 38,5 % par rapport à la période 2021-2022. Parmi ces personnes, 3 434 étaient mineures, soit deux fois plus que l’an dernier, et presque trois fois plus qu’en 2021-2022, relève le document partagé par 100 organisations, associations et fédérations qui agissent auprès des personnes en grande précarité.
L’ensemble des lieux où se tiendront les JOP ont été ciblés au motif « d’invisibiliser les populations précarisées », dénonce le collectif. Le bilan présenté met en exergue 138 expulsions en Île-de-France, parmi lesquelles 64 de bidonvilles, 34 de regroupements de tentes (exclusivement sur Paris et Aubervilliers), 33 de squats, ainsi que 7 expulsions de personnes voyageuses. À titre de comparaison, 121 expulsions avaient été recensées sur la période 2021-2022, et 122 en 2022-2023, détaille Revers de la médaille.
Une pratique signalée depuis les JO de Séoul
Pour le collectif, si « ces logiques d’action publique sont à l'œuvre depuis plusieurs années, plusieurs indicateurs nous laissent penser que les JOP agissent comme un accélérateur de ces dispersions et éloignements ». Dans ce sillage, 3 000 places d'hôtel social ont été supprimées en 2023 en Île-de-France, dont la moitié en Seine-Saint-Denis, mentionnent les associations.
Dans le même temps, seules 300 places supplémentaires sont annoncées au 115 (numéro d’urgence sociale) comme « héritage social », regrette le collectif. Sur « ces 300 places destinées exclusivement aux personnes isolées en situation de rue installées dans les périmètres JO, seulement 73 places sont à ce jour occupées », déplore le rapport qui pointe une « déshumanisation et une absence de considération des situations individuelles ».
Dans ce contexte, Revers de la médaille souligne « le harcèlement » à l'encontre des migrants, « l’agressivité de la police » à l’encontre des travailleuses du sexe, notamment au bois de Vincennes, la multiplication d’arrêtés préfectoraux en vue d’expulsions d’habitats informels de l’espace public, ou encore d’interdiction de distributions alimentaires.
C’est une pratique qui n’est cependant pas propre à la France, rappelle le collectif qui fait remarquer que ces « déplacements de populations lors des éditions estivales des JOP ont été signalés […] depuis Séoul 1988, avec une attention accrue lors des éditions les plus récentes ». À noter, par ailleurs, que le rapport comporte également des réactions de responsables politiques français, notamment certains ministres ou préfets, qui ont souvent indiqué que ces opérations n'ont « rien à voir avec les JOP ».