Le prélèvement de l’impôt à la source des personnes travaillant en France sans y résider est à l’origine d’un désaccord entre la direction générale des Impôts et le Conseil d’État. Alors que ce dernier juge infondée l’approche de l’administration fiscale, celle-ci s’insurge.
À l’origine du désaccord, l’arbitrage du Conseil d’État, rendu le 5 février 2024, dans le cadre d’un litige entre la société Axa Group Opérations, basée en France, et le trésor public. Cette société avait engagé, par détachement, un directeur général résidant en Suisse. Ce qui l’amènera à effectuer des déplacements hors de la France et à exercer ses fonctions par télétravail depuis la Suisse, où se trouve sa famille.
Aussi, Axa Group Opérations pour laquelle il travaille a décidé de procéder à la retenue de son impôt au prorata du temps passé en France et non sur la totalité de son salaire. Non ! dit l’administration fiscale qui a remis en cause la décision. Axa Group Opérations France aurait empiété sur l'article 182 A du Code général des impôts (CGI).
Le Conseil de la Nation s’interpose
La société Axa Group Opérations France dépose un pourvoi en cassation suite au refus réservé à sa demande de décharge par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en juillet 2020, et par la Cour administrative d'appel de Versailles, en octobre 2022.
Aussi, afin de dénouer la situation, le Conseil d’État a carrément jugé inapplicable et sans fondement juridique la retenue parce qu’explique-t-il, « une personne qui exerce en France une activité professionnelle à titre non accessoire a, de ce fait, son domicile fiscal en France au sens des dispositions de l'article 4 B du Code général des impôts et les salaires qui lui sont versés à ce titre ne peuvent, par suite, donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l'article 182 A du même code ».
L’administration fiscale s’insurge
La décision du Conseil de la Nation remet en cause la doctrine fiscale française, selon la direction générale des finances publiques. Dans un communiqué publié le 29 avril, elle estime que « la décision du Conseil d’État fait réagir l’administration fiscale qui y voit une atteinte à la doctrine fiscale française. Cette décision est susceptible de rendre complexes les modalités d'imposition des revenus de source française des contribuables concernés et d'introduire de l'insécurité juridique pour les débiteurs des sommes versées ».
La situation conflictuelle laisse apparaître des zones d’ombre dans les textes de loi relatifs à l’imposition des travailleurs résidant en France et les non-résidents. Distinguer est souvent difficile entre la retenue appliquée aux non-résidents, prévue par l'article 182 A du Code général des impôts (CGI), et le prélèvement à la source, connu des travailleurs et des retraités français. Jugeant que la primauté de la notion de résident en droit conventionnel doit prévaloir sur celle de domicile fiscal en droit interne, la DGFiP propose de recourir à la prochaine loi de finances pour confirmer le maintien des modalités actuelles d'imposition de ces contribuables.