La justice fiscale en France va redoubler d'efforts prochainement contre les fraudeurs. Ce sont les conclusions des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, qui se sont tenues vendredi 7 juillet. Les multinationales qui ne jouent pas le jeu de la transparence fiscale pourraient faire l'objet de mesures répressives à l'avenir.
Un impôt inéquitable
L'avocat Denis Chemla s'est voulu rassurant lors de son intervention aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence. « Les redressements fiscaux ont représenté 14 milliards d’euros l’an dernier, cinq milliards de plus que le budget de la Justice. La justice fiscale tape de plus en plus fort et va encore nous réserver des surprises », a-t-il déclaré. Il ajoute que la France dispose « d’un arsenal répressif redoutable ».
Outre les fraudeurs, la répartition de la charge fiscale était également à l'ordre du jour, vendredi 7 juillet. Évelyne Ternant est économiste et membre de la direction du Parti communiste. Il déplore : « Notre système, que ce soit pour les entreprises ou les ménages, redistribue à l’envers : plus on est gros, moins on est frappé (...) Pour les entreprises, le taux d’imposition des sociétés est de 25 % pour les PME, mais il tombe à moins de 10 % pour les multinationales. Les 370 ménages les plus fortunés ont un impôt sur le revenu de 2 %. Il faut rétablir la progressivité de l’impôt ».
Emmanuel Macron a inscrit à l'agenda européen une taxation minimale de 15 % des multinationales.
C'est désormais une réalité, un accord vient d'être trouvé !Une avancée historique et une mesure de justice fiscale. 🇪🇺 pic.twitter.com/Dk99ZYdAoX
— Renaissance (@Renaissance) December 16, 2022
Un impôt européen minimal pour les multinationales pour lutter contre la fraude fiscale ?
En Europe, il existe aujourd'hui autant de régimes fiscaux que d'États membres de l'Union. Ces derniers se livrent une compétition acharnée pour attirer les investissements des multinationales. Sébastien Gonnet est associé au cabinet de conseil Accuracy. Il regrette le fait que les multinationales aient « des sièges sociaux en Irlande, des structures aux Pays-Bas ou au Luxembourg », des États considérés comme des paradis fiscaux.
L'Union européenne pourrait toutefois se doter prochainement de règles d'imposition communes. « Les États ont beaucoup bougé. Sous l’égide de l’OCDE, ils ont travaillé sur la transparence et sur le carcan réglementaire », assure Sébastien Gonnet, évoquant l'importance de mettre en place un impôt minimal de 15 % à l'échelle européenne. « Cela condamnerait l’ensemble des paradis fiscaux : ils ne représenteraient plus aucun intérêt pour les entreprises, puisque le différentiel serait taxé », a-t-il expliqué.
Evelyne Ternant souligne, cependant, les limites de cet impôt commun. « Il est possible que cette réforme aboutisse à une réduction de l’imposition des multinationales. Ce taux minimal de 15 % va devenir la référence, une norme, alors qu’en moyenne les taux sont de 22 %. Le périmètre est restreint et beaucoup d’entreprises vont y échapper », a-t-elle prévenu.
Sébastien Gonnet s'est, pour sa part, voulu pragmatique. Il estime que la fraude fiscale prendra fin « s’il devient plus coûteux à une entreprise d’être agressive fiscalement, comparé au fait de ne pas l’être ». Il a également rappelé que la fraude et l'optimisation fiscales présentent un « risque réputationnel » pour les entreprises qui les pratiquent. Ce fléau peut, par ailleurs, avoir un coût décalé dans le temps. La justice fiscale peut « être rétroactive », comme l'a rappelé David Chemla. « Des mécanismes d’optimisation fiscale qui étaient légaux sont, dix ans plus tard, vus par l’administration fiscale comme illégaux, et conduisent à des condamnations », prévient-il. Des peines de prison peuvent alors être prononcées et le montant de l'impôt peut être doublé.