La fraude fiscale et le blanchiment d’argent sont des fléaux qui gangrènent la France. En effet, le Sénat alerte sur l’ampleur et la persistance de la délinquance financière en France dans un rapport d’une commission d’enquête publié le 20 juin 2025.
Cette commission d’enquête, présidée par le sénateur Raphaël Daubet (RDSE, Lot) et dont la rapporteure est Nathalie Goulet (Union centriste, Orne), dresse un constat sévère. Selon ses conclusions, « le compte n’y est pas » en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, qualifié de « crime qui permet tous les autres ».
L’enjeu est d’autant plus crucial que les sommes concernées sont colossales : les sénateurs estiment que le blanchiment représente à lui seul « un ordre de grandeur d’au moins 58 milliards d’euros » chaque année en France. Ce chiffre, calculé selon les méthodes de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ne se superpose pas intégralement aux 50 milliards de fraude fiscale évoqués dans d’autres contextes, mais en partage en partie les mécanismes.
Le rapport, intitulé « Ces milliards qui gangrènent la France », alerte sur « la réalité d’un phénomène trop méconnu et négligé par les pouvoirs publics » et souligne que cette criminalité prospère dans un environnement d’inefficacité institutionnelle. Les dispositifs de lutte sont jugés insuffisants, dispersés entre plusieurs administrations qui peinent à coopérer efficacement. « Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de stratégie cohérente contre la délinquance financière en France, plutôt un empilement d’outils », observe Raphaël Daubet, qui plaide pour une approche transversale du phénomène.
Des failles structurelles et juridiques persistantes qui permettent la fraude fiscale
Le rapport met en lumière les techniques variées utilisées pour blanchir de l’argent sale : contournement des circuits classiques via les cryptoactifs, messageries cryptées, sociétés éphémères, rachats de tickets de loterie et captation de fonds publics. Nathalie Goulet illustre le procédé : « Vous gagnez 200 euros à un jeu de hasard. Je vous rachète votre ticket 270 euros avec de l’argent sale, et voilà comment j’en blanchis 200 ». Elle ajoute : « C’est un système qui fonctionne très bien dans les milieux communautaires ».
Le document pointe aussi le manque d’attractivité de la matière financière pour les enquêteurs, en raison notamment de logiciels obsolètes et d’une faible interopérabilité entre les bases de données. « Nos services utilisent des outils informatiques qui sont incompatibles entre eux », déplore Nathalie Goulet.
Parmi les 50 recommandations formulées, la commission propose la création d’une structure interministérielle spécialisée, le renforcement de la régulation des cryptoactifs, la systématisation de la vérification de l’origine des fonds dans les reprises d’entreprise, ou encore l’élargissement des pouvoirs des greffiers pour identifier les sociétés créées à des fins frauduleuses.
La question du contrôle des petits commerces dans les zones sensibles est également soulevée. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, auditionné par la commission, déclarait : « On a, notamment dans le Nord-Est parisien et en Seine-Saint-Denis, beaucoup de commerces dont on se demande de quoi ils vivent ».
Les sénateurs insistent sur l’urgence d’une réponse législative, notamment à travers une proposition de loi que Nathalie Goulet souhaite articuler autour de la lutte contre la contrefaçon et la transparence financière des entreprises. « La contrefaçon, c’est 5 milliards d’euros rien que pour la France ! », rappelle-t-elle.
Au terme de ce travail, la commission plaide pour construire une « culture de la lutte contre l’argent sale », mobilisant durablement les institutions, les services de l’État et le législateur. Une mobilisation jugée indispensable face à un phénomène dont l’impact structurel sur l’économie et la démocratie ne cesse de s’intensifier.








